Le Soi et le libre arbitre dans la sampradaya de Shri Caitanya Mahaprabhu (1ère partie)

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Les différentes écoles de philosophie et de théologie indiennes présentent différentes doctrines concernant l’action, la jouissance et la connaissance de l’atman, le soi individuel.

Par Satyanarayana Dasa

Section 1 : La nature de l’atman

Les différentes écoles de philosophie et de théologie indiennes présentent différentes doctrines concernant l’action, la jouissance et la connaissance de l’atman, le soi individuel. Parmi elles, les écoles Vedanta acceptent l’autorité de shabda, les écritures révélées, et leurs explications sont fondées sur les enseignements des Upanishads, du Vedanta Sutra et de la Bhagavad Gita, traditionnellement connus sous le nom de prasthana trayi, « les trois fondations », les Puranas et les Agamas servant de preuve scripturaire secondaire.

Les points de  vue de différentes écoles philosophiques

Il existe deux écoles Vedanta : moniste et dualiste (respectivement Advaita et Dvaita). Les deux acceptent la Réalité Absolue comme une entité non-duelle, mais l’école moniste postule que cette entité est dépourvue de qualités, de formes ou de variétés, et qu’il n’existe pas de véritable différence entre la réalité non-dualiste et l’être vivant individuel. L’école dualiste postule, en revanche, que la Réalité Absolue est pourvue de qualités, de forme et de variété qui n’en sont pas différentes, et que les êtres vivants individuels ne sont point un avec la Réalité Absolue : ils n’ont pas d’existence indépendante et sont, en ce sens, un avec elle.

L’école de Caitanya Mahaprabhu fait partie de l’école dualiste, mais elle est unique en ce qu’elle considère le Bhagavata Purana comme la source principale de ses doctrines, lui faisant confiance pour être une explication du Vedanta Sutra par l’auteur lui-même (Vyasa). Ce dernier constat repose sur les déclarations de Shri Caitanya Mahaprabhu, le fondateur de l’école, qui se trouvent dans sa biographie écrite au XVIe siècle par Krishna Dasa Kaviraja et qui s’intitule Le Caitanya-caritamrita. Cela est également corroboré par un verset du  Garuda Purana (cité dans le Bhagavata-tatparya (1.1.1) de Shri Madhvacarya) : 

« Le traité appelé Le Shrimad Bhagavatam est le Purana le plus complet. Il renferme le sens fondamental du Vedanta Sutra, établit le sens du Mahabharata, explique et élargit le sens des Vedas. C’est un commentaire sur le Gayatri mantra, le Sama Veda des Puranas et l’énonciation directe de l’Absolu Suprême, Shri Bhagavan. Il contient douze chants, des centaines de chapitres et dix-huit mille versets ».

C’est pourquoi les proches disciples de Caitanya Mahaprabhu ne commentèrent pas les écrits principaux que sont les Upanishads, le Vedanta Sutra ou la Bhagavad Gita – ce qui est la pratique habituelle pour toute école Vedanta authentique. Cependant, ils écrivirent des commentaires, des essais et des travaux indépendants fondés sur le Bhagavata Purana. 

Parmi ces textes, l’ouvrage fondateur définissant les doctrines essentielles de l’école est le Bhagavata Sandarbha de Sri Jīva Goswami, plus connu sous le nom de Shat Sandarbha. Il s’agit d’un ensemble de six livres : le Tattva Sandarbha, le Bhagavat Sandarbha, le Paramatma Sandarbha, le Krishna Sandarbha, le Bhakti Sandarbha et le Priti Sandarbha. La contribution unique de Shri Jiva Goswami à l’école Vedanta consiste en ceci qu’il établit l’opinion de l’école de Caitanya selon laquelle le moksha (libération) – le quatrième but de l’existence humaine – n’est pas l’objectif suprême. L’objectif suprême est, selon lui, le prema, ou l’amour pour Dieu, Bhagavan, qui est le cinquième et l’ultime but de la vie. 

Les autres écoles Vedanta considèrent la bhakti uniquement comme un moyen d’atteindre le moksha. Dans le Bhakti Sandarbha, Shri Jiva Goswami établit avec beaucoup de force que la bhakti est un processus spirituel indépendant, et non seulement un moyen d’atteindre un quelconque objectif. L’école de Caitanya Mahaprabhu met un accent particulier sur la célébration des noms et des exploits (lilas) de la forme la plus intime de Dieu (Krishna), à travers le smarana (contemplation), le japa (récitation individuelle) et, surtout, le kirtana (chant avec des instruments de musique).

La pratique de la bhakti implique la connaissance de Bhagavan, de l’être vivant individuel et de la bhakti elle-même. Pour définir cette connaissance, Jiva Goswami écrivit le Bhagavat Sandarbha, le Paramatma Sandarbha et le Bhakti Sandarbha

Dans cet article, nous étudierons les caractéristiques de l’être vivant individuel (atman) d’après l’analyse approfondie que Jiva Goswami donne dans son Paramatma Sandarbha (les termes « atman » et « jiva » sont ici utilisés de manière interchangeable).

Caractéristiques fondamentales de l’atman

Sri Jiva Goswami décrit l’être vivant individuel (atman) comme une partie éternelle et distincte de l’énergie intermédiaire de Paramatman (tatastha-shakti). L’atman est toujours soumis à Paramatman et est sous son contrôle. L’être vivant individuel ne peut jamais être absolument égal à Lui, car, bien qu’il soit, tout comme Paramatman, conscient par nature, il est infiniment petit.

Comme Paramatman, l’être vivant individuel a la capacité inhérente d’agir, de connaître et de prendre plaisir. Or, ces capacités ne peuvent point être réalisées sans l’aide d’un corps, qu’il soit matériel ou spirituel. Sinon, celles-là restent inhérentes à l’atman uniquement dans leur état potentiel.

Tout en énumérant les caractéristiques de l’atman, Shri Jiva Goswami fait référence aux versets suivants de Jamatri Muni, un disciple de Shri Ramanuja Acarya :

  1. L’atman n’est ni un dieu, ni un humain, ni un sous-humain, ni un être immobile ; ce n’est pas non plus le corps, les sens ou l’esprit, ni le souffle vital, ni l’intelligence.
  2. Il n’est pas inerte. Il n’est pas mutable. Il n’est simplement pas la conscience, il est conscient de lui-même, auto-lumineux. Il existe dans sa propre nature immuable.
  3. Sa conscience imprègne le corps. Sa nature est la sensibilité et la félicité. C’est le sens direct du pronom « je ». Il est unique dans chaque corps, atomique, éternel et pur.
  4. Il est naturellement toujours une partie de Paramatman. Il a les caractéristiques de connaissance, d’action et de jouissance.

Shri Jiva Goswami commente chacune des caractéristiques énumérées ici tout en citant des références tirées des écritures, principalement du  Bhagavata Purana.

 

 

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