Qu’est-ce que le jnana ?

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Le mot jnana est généralement traduit par « connaissance », mais, en réalité, ce n’est pas si simple. En français, nous disons : « Je connais un bon restaurant » ou « je connais le langage de programmation Java », et tout le monde nous comprend. Mais la simplicité des mots « connaître » et « connaissance » n’est pas la même en sanskrit.

Par Satyanarayana Dasa

Le mot jnana est généralement traduit par « connaissance », mais, en réalité, ce n’est pas si simple. En français, nous disons : « Je connais un bon restaurant » ou « je connais le langage de programmation Java », et tout le monde nous comprend. Mais la simplicité des mots « connaître » et « connaissance » n’est pas la même en sanskrit.

Avant de commencer l’explication du terme jnana, examinons une situation  hypothétique. Un homme est dans le coma depuis dix ans et se réveille dans son lit d’hôpital. Assis sur la table à côté de lui, se trouve une tablette, laissée là par un visiteur. L’homme prend la tablette et la regarde. Par ses sens, il fait quelques observations à son sujet, mais il ne peut pas vraiment comprendre ce que c’est. Plus tard, le visiteur lui explique :

« C’est un petit ordinateur qui a été inventé il y a environ deux ans. Vous pouvez y lire des livres, des journaux et même des magazines. Vous pouvez écouter de la musique avec, jouer à des jeux et regarder des films dessus. Vous pouvez l’utiliser presque partout et elle ne nécessite aucune connexion d’un fil électrique. Dans certaines écoles, elles sont fournies aux enfants à la place de leur manuels scolaires ».

Enfin, le visiteur allume la tablette et en fait une démonstration au patient. Ce dernier a maintenant pris connaissance de ce qu’est une tablette. Dans cet exemple, il y a un sujet (le patient), un objet (la tablette) et il y a la connaissance. Initialement, l’homme a fait quelques observations, par lui-même, puis il a reçu des informations (dans ce cas, verbalement) et, finalement, il a assisté à une démonstration sur son fonctionnement. Grâce à l’utilisation de ses sens et de son intellect, l’homme a maintenant une certaine connaissance incomplète de ce qu’est une tablette. Quelle que soit la connaissance qu’il a acquise de cette façon, cela crée une impression, ou une modification, spécifique dans son esprit, appelée citta-vritti. La connaissance est fondamentalement la relation entre un mot et l’objet qu’il désigne. Par cette connaissance, le sujet peut s’occuper de ou penser à l’objet. La connaissance relève d’une substance, d’une qualité, d’une catégorie, d’une relation ou d’une action. Toutes les connaissances que nous possédons peuvent être subsumées dans l’une de ces catégories. En sanskrit, le mot jnanam est dérivé de la racine verbalex jna avabodhane (savoir) et a trois significations étymologiques :

  1. En tant qu’activité verbale ou état d’être, jnaptih jnanam signifie « compréhension », « conscience », « expérience », « savoir » ou « conscience ». Le jnana dans ce sens est sans contenu. Cela ne révèle rien, sauf le sujet lui-même. Il s’agit d’un usage intransitif du mot jnana, comme, par exemple, dans le cas du verbe « savoir ».

  2. En tant qu’instrument (jnayate anena iti jnanam), il désigne ce par quoi quelque chose est connu, ou qui révèle quelque chose (artha-prakashakah). En ce sens, le jnana a du contenu. Il a un sujet qu’il révèle et un objet qui en est révélé. Dans la terminologie védantique, cela s’appelle vrtti-jnana. Dans l’exemple ci-dessus, les informations à propos de la tablette seraient « l’instrument » qui permettra à une personne de prendre connaissance du fonctionnement de la tablette.

  3. En tant que substrat (jnanam asti asminiti), c’est ce qui connaît ou possède la connaissance. C’est la conscience.

Le deuxième sens du mot jnana est le plus général. La fonction de la connaissance, prise en ce sens, est de révéler un objet. La connaissance révèle un objet à un soi conscient, l’atman. En révélant l’objet, il se révèle à lui-même également. Cela est décrit comme svayam-prakasha, auto-lumineux. Le soi sait ce qui lui est révélé par la connaissance. La connaissance, cependant, ne peut pas connaître l’objet qu’elle révèle. Ce qui connaît mais ne révèle pas les objets en dehors de lui-même, sauf lui-même, s’appelle pratyak ou svasmai svayam prakasha, auto-lumineux et conscient de soi. C’est le trait caractéristique du soi.

Connaissance de soi

La différence fondamentale entre la connaissance (utilisée dans le deuxième sens) et le soi est que la connaissance révèle un objet pour un connaisseur (atman) tandis que le soi, bien qu’il éclaire ou rend le corps conscient, ne peut pas révéler les objets. Or, il sait ce qui lui est révélé par la connaissance. De ce fait, la connaissance appartient à un sujet et a un contenu ou une référence à un objet. 

L’atman, ou le soi, est appelé jnana-svarupa pour signifier sa nature consciente. Ici, le mot jnana n’est pas utilisé au sens général, mais pour signifier qu’il est conscient et non inerte, et est le substrat de la connaissance. Mais cela ne veut pas dire qu’il s’agisse d’une simple conscience comme le prétendent les adeptes de l’advaita-vada. Il est conscient et possède une conscience. Cela ne signifie pas non plus qu’il possède des connaissances au sens normal, ou populaire, du mot. Sans connaître cette distinction, certains érudits interprètent mal que l’atman, ou l’âme pure, est plein de connaissances, qu’il est omniscient. Ils suggèrent que si l’ignorance de l’âme est supprimée, alors l’atman sera automatiquement situé dans la connaissance.

Cinq états d’existence dans trois corps

Un être humain est composé de l’atman et d’un corps matériel. Le corps matériel est fabriqué à partir de produits de la prakriti (l’état causal de la matière) et il a trois divisions :

  • Le corps grossier est le corps visible composé de cheveux, de peau, de sang, de graisse, de veines, de moelle osseuse, etc.
  • Le corps subtil est composé de cinq vayus [NDT : prana, apana, vyana, udana, samana], de cinq sens moteurs [NDT : oreille, nez, œil, peau, langue], de cinq sens cognitifs [NDT : ouïe, toucher, vue, goût, odorat], de l’esprit, de l’intellect, de l’ego et de la chitta.
  • Le corps causal consiste de l’ignorance (l’avidya sous la forme de svabhava et de karma).

Sur la base de ces trois corps, nous faisons l’expérience de cinq états d’existence : éveil, rêves, sommeil profond, inconscience et samadhi. L’éveil est lié au corps grossier, l’état de rêve – au corps subtil et les trois autres – au corps causal. Celui qui rend ces corps conscients et les dépasse est l’atman. Il est le seul être conscient, le jnana-svarupa, et a le potentiel de connaître. Il existe dans les cinq états des trois corps, mais est complètement intacte et n’est pas affecté par eux. Il est immuable alors que tout le reste est modifiable.

Par conséquent, le mot jnana est utilisé à la fois pour l’atman et pour la connaissance acquise en tant que vrtti par l’intermédiaire des sens. La confusion provient de l’utilisation d’un seul mot pour les deux significations. Cette distinction doit être comprise clairement pour connaître la nature de l’atman. La connaissance qui naît des sens internes et externes n’est pas inhérente à l’atman. Ce dernier, par sa proximité, insuffle la conscience dans la chitta, l’esprit, qui entre en contact avec les organes des sens, lesquels à leur tour entrent en contact avec les objets des sens (le Bhagavata Purana 6.16.24).

La connaissance auto-lumineuse à partir de la perception sensorielle

La connaissance d’un objet survient lorsque l’atman entre en contact avec l’objet par l’intermédiaire des sens intérieurs et extérieurs. Cette connaissance est appelée vritti-jnana, une forme de modification mentale (voir la deuxième signification étymologique ci-dessus). Elle subit une contraction et une expansion, justifiées par l’expérience, tout en étant conditionnée par l’avidya-karma, l’ignorance du soi comme étant distinct du corps. Cette connaissance est différente du jnatritva de l’atman en ceci que ce dernier est pratyak, ou conscient de lui-même, alors que le premier est parak, c’est-à-dire qu’il se révèle lui-même au soi. Cette connaissance est comme la luminosité d’une flamme. Bien qu’il s’agisse d’une substance, elle est considérée comme un attribut de l’atman car elle est abritée dans l’atman. La connaissance provenant de la perception sensorielle est auto-lumineuse mais pas consciente de soi. Elle est appelée mano-vritti, un état d’esprit particulier en relation avec l’objet perçu.

Dans la Bhagavad Gita (13.6), Shri Krishna se réfère au mano-vriiti comme à la cetana, ou conscience, et le compte comme faisant partie du corps matériel. Cette cetana ne doit pas être confondue avec la cetana de l’atman. Bien que la cetana, ou la conscience, est la qualité naturelle de l’atman, elle est comptée comme une caractéristique mentale, car, dans l’état conditionné, la conscience de l’atman ne se manifeste qu’à travers le corps matériel, les sens et l’esprit. Par conséquent, toute connaissance, à la fois valide et illusoire, est un état mental.

Shri Kapila dit qu’il existe cinq types de vrittis (le Bhagavata Purana 3.26.30) : « Les caractéristiques de la buddhi selon ses diverses fonctions, vrittis, sont le doute, l’illusion, la connaissance valide, le souvenir et le sommeil ».

Tous les types d’expériences, à la fois externes et internes, dans différents états d’esprit, tels que l’éveil, le rêve et le sommeil profond, relèvent de ces cinq vrittis. Il n’y a aucune expérience en dehors de ces vrittis. Il convient de noter que même le sommeil profond est une expérience qui correspond à un type de vritti. Les vrittis ne sont pas à l’intérieur de l’atman ; de ce fait, toute connaissance est en dehors de l’atman.

Il n’existe aucune connaissance des objets externes dans le soi

L’atman en lui-même est dépourvu de toute connaissance des objets externes, car il n’y a pas de vrittis en lui. C’est l’expérience que tout le monde fait dans l’état de sommeil profond, d’inconscience ou de samadhi. S’il y avait la moindre connaissance, telle qu’elle est comprise au sens courant du terme, alors l’être humain devrait en faire l’expérience dans le sommeil profond. Mais tout le monde fait l’expérience de s’oublier soi-même dans le sommeil profond.

On éprouve le bonheur dans le sommeil profond et, au réveil, on dit : « J’ai bien dormi, je ne me suis aperçu de rien ». On pourrait faire valoir que l’on ne ressent rien dans le sommeil profond à cause de l’ignorance qui nous couvre. Cependant, même dans le nirvikalpaka samadhi – lequel se réalise lorsque l’on est libre de l’ignorance –, il n’y a que l’expérience de la félicité, mais pas de connaissance de quoi que ce soit.

Patanjali dit que lorsque l’on devient libre de tout vritti, on se situe en soi-même (tadā draṣṭuḥ svarūpe‘vasthānam, le Yoga-sutra 1.3). Il n’y a aucune connaissance. 

Ainsi, lorsqu’il est dit que l’atman est jnana-svarupa, cela ne veut pas dire qu’il soit plein de connaissance. Cela signifie qu’il est un être conscient et qu’il peut avoir le vritti-jnana. Le mot jnana dans « jnana-svarupa » est utilisé au premier et au troisième sens, et non au deuxième.

Par conséquent, il est entendu que l’atman est conscient par nature, mais qu’il ne possède aucune connaissance en lui, sauf le sens du « je ».

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