Notre opposant peut formuler une autre objection : si cette section est correctement analysée, nous pouvons conclure qu’elle se réfère uniquement aux dévots qui atteignent le Vaikuntha depuis le monde matériel.
Suite du commentaire de Satyanarayana Das Babaji
Notre opposant peut formuler une autre objection : si cette section est correctement analysée, nous pouvons conclure qu’elle se réfère uniquement aux dévots qui atteignent le Vaikuntha depuis le monde matériel. Cela peut être vérifié en étudiant les six éléments qui déterminent la portée d’un texte, tels que ses déclarations d’ouverture et de clôture. Ceux-là sont décrits dans le verset suivant :
« La véritable portée d’un texte peut être déterminée avec les six critères suivants :
Le contradicteur pourrait faire valoir que le verset d’ouverture, le verset de conclusion et le mantra tiré de l’Upanishad cité dans la section actuellement à l’étude se réfèrent tous au jiva qui a atteint le Vaikuntha depuis le monde matériel.
Réponse : ce type d’analyse n’est appliqué que lorsqu’il existe une ambiguïté sur le sujet d’un livre, d’un chapitre ou d’un essai. Or, ce n’est pas le cas ici. Il est clairement évident que Shrila Jiva Gosvami examine les qualités du Vaikuntha. Il a énuméré neuf caractéristiques du Vaikuntha dans la section 49 et les explique maintenant en détail. Dans cette présente section, il soutient que l’une des caractéristiques divines du Vaikuntha et des preuves de sa nature transcendante est que personne n’en déchoit (tato’skhalanam).
De plus, même si l’on suit la méthode d’analyse recommandée ci-dessus et conclut que le sujet de la section est que ceux qui atteignent le Vaikuntha depuis le monde matériel ne déchoient plus jamais, cela ne prouve pas que les compagnons éternels puissent déchoir. Cette section ne fait pas de telles déclarations, directement ou indirectement, et établir une telle conclusion est extrêmement incorrect. Au contraire, le deuxième verset énoncé par le Seigneur Kapila (SB 3.25.38) déclare clairement que les dévots de Krishna ne sont jamais privés d’opulence. En citant ce verset, Shri Jiva Gosvami a l’intention de dire qu’ils ne déchoient jamais.
Une autre objection peut être soulevée : le cycle de création et de destruction du monde matériel est sans commencement et s’est ainsi produit d’innombrables fois. Durant la période de maintien, certains jivas atteignent occasionnellement la libération. Si les êtres vivants continuent de quitter le monde matériel et qu’aucune nouvelle âme n’entre en tombant du Vaikuntha, alors l’univers aurait dû être vide maintenant. Ainsi, selon ce raisonnement, il serait logique de supposer qu’un nombre égal d’âmes déchoit du Vaikuntha pour remplacer celles qui parviennent à se libérer du monde matériel.
Réponse : un tel concept provient de l’ignorance de la nature illimitée du Seigneur. Il existe des univers matériels illimités et chacun contient des êtres vivants illimités. Le mot « illimité » signifie que lorsque certains sont partis, un nombre illimité reste encore. Même en mathématiques, l’infini moins l’infini est égal à l’infini. Il y a un nombre infini de points existant dans une ligne qui s’étend du point A au point B. Si cette ligne est divisée en deux parties, disons AC et CB, alors chaque ligne contient toujours un nombre infini de points.
De plus, la logique de l’objection finit par se retourner contre elle-même. Si les nitya-siddhas déchoient pour remplacer les jivas qui obtiennent la libération et que ceux qui vont au Vaikuntha depuis le monde matériel ne reviennent jamais, alors, comme le temps est sans commencement (anadi), tous les nitya-siddhas seraient désormais déchus dans le monde matériel et seraient retournés au Vaikuntha. Et il ne resterait plus de nitya-siddhas vierges à déchoir. Ainsi le monde matériel serait-il vide. Évidemment cet état imaginaire est loin d’être vrai, sinon je ne serais pas ici en train d’écrire ce commentaire.
Les prières personnifiées des Shrutis (SB 10.87.30) reconnaissent qu’il existe des êtres vivants illimités ou innombrables (aparimita). En commentant ce verset, Shrila Sanatana Gosvami cite un verset tiré du Vishnu-dharmottara Purana (1.81.12), dans lequel Vajra Maharaja pose au sage Markandeya la question suivante :
« O brahmana, comme le temps n’a pas de commencement, alors même si une seule personne atteignait la libération dans chacun des kalpas passés, le monde ne serait-il pas vide à présent ? »
Voici la réponse de Markandeya :
« Lorsque quelqu’un est libéré, le Seigneur Suprême, qui possède une puissance illimitée, fait surgir (sargena) un autre jiva et garde ainsi toujours le monde rempli. Les personnes qui atteignent le brahma-loka sont libérées avec Brahma. Puis, dans le prochain cycle de création (maha-kalpa), le Seigneur émet (srijyante) des êtres similaires. La nature matérielle et les êtres vivants doivent être compris comme étant sans commencement. Leurs transformations et les gunas de la matière sont des produits de la nature matérielle ».
Par conséquent, il n’est pas nécessaire de supposer que les êtres vivants déchoient du Vaikuntha pour remplacer les âmes libérées. Il faut souligner l’emploi d’un mot fort important dans la réponse de Markandeya : « acintya-shakti », ou pouvoir inconcevable. Cela a été abordé plus en détail dans les sections précédentes de ce livre [Le Bhagavat Sandarbha]. Sans accepter l’existence de cette puissance extraordinaire du Seigneur, personne ne pourra jamais espérer Le comprendre en vérité.
Un doute peut être soulevé, cependant, au sujet de la déclaration de Markandeya. Les êtres vivants sont dits être sans commencement (anadi), pourquoi alors Markandeya dit-il que le Seigneur fait surgir (sargena) d’autres jivas ?
Shrila Sanatana Gosvami répond qu’il y a un nombre illimité d’êtres vivants inactifs, lesquels sont activés par le Seigneur selon Son désir. C’est ce que signifie le terme « fait surgir » dans le verset ci-dessus. Le mot « sarga », ou création, ne signifie pas la création de nouveaux êtres vivants. Ce siddhanta est accepté par tous les Vaishnavas.
En réalité, le verbe « srijyante » (Il crée) est utilisé ici pour signifier « Il émet ». Il vient de la racine verbale √srij visarge, lequel peut être utilisé soit au sens de « créer », soit au sens d’« émettre ». Comme le premier sens contredirait beaucoup d’autres déclarations affirmant que le jiva n’est jamais créé, ici nous devons accepter le second sens. Srijyante signifie alors libérer le jiva de l’état inactif à l’état actif.
À suivre
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