Souvent les gens pensent que la vie dans la société védique était très austère, pleine de règles et de rituels, sans aucune valeur accordée au divertissement. Vu à travers les yeux de la société moderne, cela peut sembler une corvée. C’est pourtant loin d’être vrai.
Par Satyanarayana Das Babaji
Souvent les gens pensent que la vie dans la société védique était très austère, pleine de règles et de rituels, sans aucune valeur accordée au divertissement. Vu à travers les yeux de la société moderne, cela peut sembler une corvée. C’est pourtant loin d’être vrai. Au contraire, l’ancienne civilisation indienne, moulée sous les principes védiques, accordait une grande importance au divertissement et au bonheur.
Bien que le mode de vie védique n’encourageât pas le plaisir et le confort des sens manifestes, une valeur toute particulière fut accordée au divertissement. La vie dans la société védique était très équilibrée, conçue pour répondre aux différents besoins d’un être humain. Cette société n’était pas axée uniquement sur le plaisir matériel ou uniquement sur la spiritualité. En réalité, la société védique reconnaît le kama (plaisir et divertissement) comme l’une des quatre activités de la vie humaine, avec le dharma, l’artha et la moksha.
Les quatre buts de la vie humaine
Le Kama Shastra traite spécifiquement des plaisirs mondains, tels que la compagnie du sexe opposé. Des quatre étapes de la vie (étudiant, marié, retraité et renonçant), la vie conjugale est l’étape où l’on est en quête de kama. Ce dernier est défini comme un contact agréable des cinq sens avec les objets de sens qui leur correspondent. Le kama se trouve principalement dans l’esprit et est appelé par conséquent « manasija » (ce qui est né dans l’esprit). Chaque être humain a un goût inné pour le kama, qui est la cause de toute création. Freud l’a appelé « la libido ». Toutes les actions dans ce monde sont mues par le kama. Dans les Vedas, il est appelé « la déité originelle » (kamastad agre samavarttata).
Le divertissement sublime
Bien que le kama fût l’une des quatre activités de la vie humaine dans la société védique, il existe une grande différence entre les divertissements prescrits à l’époque ancienne et ceux que connaît la société moderne. Dans la société védique, le divertissement et le plaisir mondains avaient un but plus élevé, c’est-à-dire d’atteindre le salut ultime. Le Kamasutra (2.1) déclare : « shatayurvai purusho vibhajya kalam anyonyaanubaddham paraparsyanupaghatakam trivargam seveta » – « Une personne devrait diviser sa durée de vie de 100 ans en différentes étapes, puis poursuivre la vertu (dharma), les plaisirs (kama) et la richesse (artha) de telle manière que ces trois restent liés les uns aux autres et que des obstacles ne se créent entre eux ».
Selon la perception de vie d’après les Védas, la durée de vie des êtres humains normaux se mesure à une centaine d’années (permettant de profiter de 100 célébrations de Diwali !). Cela n’est possible que lorsque l’on mène une vie saine, équilibrée et sans stress. En d’autres termes, on vit cent ans lorsque la santé n’est pas sacrifiée à la recherche de la richesse. L’on doit gagner de la richesse de manière à ce que durant ce processus, l’on ne nuise pas à sa santé.
La richesse au prix de la santé
Aujourd’hui, il est facile de trouver de nombreuses personnes qui ont sacrifié leur santé et la paix de leur esprit pour réussir sur le plan économique. C’est un véritable paradoxe : les gens des couches pauvres en Inde ont un très bon appétit, mais pas de régime alimentaire approprié, alors que les gens des mêmes couches travaillant dur dans les villes et s’enrichissant, peuvent devenir sensibles à toutes sortes de maladies liées au mode de vie. Ces maladies comprennent la dyspepsie, l’insomnie, la bronchite, l’hypertension artérielle, l’hypercholestérolémie et le diabète. La santé et la tranquillité de l’esprit sont à la base de tous les plaisirs. Sans eux, quel plaisir les gens tireront-ils de leur richesse et de leur position élevée dans la société ? La richesse personnelle ne peut donner que des satisfactions mentales transitoires.
Le danger de la richesse et de la bonne santé est que l’on est toujours tenté d’en profiter sans aucune restriction pour finalement perdre les deux. Le Hitopadesha, un livre traitant d’artha et de kama, dit (1.11) :
« Combinés, la jeunesse, la richesse, le pouvoir et le manque de discrimination sont en eux-mêmes suffisants pour provoquer la misère et le désastre ».
La richesse, la santé et la jeunesse ne sont pas destinées à nous rendre malheureux, mais elles le font souvent car la plupart des gens perdent le sens de la mesure quant à leur utilisation. Le sage Vatsyayana, l’auteur du Kamasutra, conseille de poursuivre harmonieusement l’artha, le kama et le dharma. Il ne faut pas trop insister sur l’un d’eux au détriment des deux autres. Cela n’est possible que si l’artha et le kama ne deviennent pas indépendants du dharma et que le but ultime de la vie, la moksha, soit toujours gardé à l’esprit. Compte tenu de cet objectif, le divertissement dans la société védique était très équilibré et lié au dharma, lequel est censé apporter prospérité et émancipation (yato’bhudaya-nihshreyasa siddhih sa dharma).
L’éducation aux principes de la vertu
Dans la société védique, le divertissement servait à éduquer les gens aux principes de la vertu. En réalité, c’était le but même des représentations théâtrales et musicales indiennes.
Aujourd’hui encore, la célébration du mariage en Inde dure au moins une semaine et elle est accompagnée de musique, de danse et d’une grande quantité de nourriture et de boissons. Même si la célébration est très agréable, les rituels qui y sont associés ont tous une signification plus profonde. De même, d’autres fêtes indiennes, tels que Dussehra (triomphe du bien sur le mal), Divali (festival des lumières) et Holi (festival des couleurs) sont extrêmement divertissants et hauts en couleurs avec des représentations sur scène, de la musique, de la danse et des festivités. Pourtant, ils sont fondamentalement différents des événements modernes, tels que les anniversaires ou les célébrations de mariage organisés dans des hôtels cinq étoiles. Malgré de nombreuses dégradations dues à la mondialisation, ces festivités n’ont pas encore complètement divergé du concept de base, à savoir se dérouler sous les auspices du dharma.
Outre les festivals et les rituels, les divertissements sous forme de musique, de danse et de théâtre étaient un mode de vie dans la société védique. Le Natya Shastra, le magnum opus de Bharata Muni composé il y a plus de 2 000 ans, dépeint tous les plus importants des beaux-arts, englobant les arts de la scène, le théâtre, la danse et la musique.
La littérature sanskrite comprend deux types de kavya (pièces de théâtre) : drishya (pièces jouées sur scène) et shravya (pièces simplement récitées). Il y avait également divers types de sports de divertissement, tels que la lutte, les combats à la massue, le kabbaddi, le combat à l’épée, l’acrobatie et l’athlétisme.
Le Seigneur Krishna était censé être un expert dans 64 arts, en plus d’être un grand athlète, acrobate, danseur et musicien. Sa danse symbolique avec les jeunes vachères, la danse rasa, est le summum de tous les divertissements. Elle est constituée de chants, de danses et de musiques pleins de bonheur divin. Il y a encore des représentations sur scène régulières de la danse rasa, ainsi que des représentations illustrant les divertissements du Seigneur Krishna (appelé Krishna-Lila) et du Seigneur Rama (appelé Rama-Lila).
Un bel ensemble de principes à suivre
Cela dit, je pense en avoir dit assez sur l’importance du divertissement allant de pair avec les principes et la philosophie védiques, que je recommande de tout mon cœur à tous comme une véritable panacée aux problèmes modernes. Mais sachez que les principes védiques ne sont pas un ensemble de préceptes insipides et moroses : c’est un bel ensemble de principes à suivre. Ils sont ancrés dans l’Ayurveda et le Yoga pour nous aider à mener une vie heureuse, saine et équilibrée.
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