En se fondant sur diverses écritures védiques, Shrila Jiva Gosvami établit dans le Bhagavat Sandarbha que les actions et la naissance du Seigneur sont transcendantes et distinctes de celles des êtres mortels. Srila Jiva Gosvami confirme en outre que les noms de Krishna sont également spirituels.
Par Satyanarayana Dasa
En se fondant sur diverses écritures védiques, Shrila Jiva Gosvami établit dans le Bhagavat Sandarbha que les actions et la naissance du Seigneur sont transcendantes et distinctes de celles des êtres mortels. Shrila Jiva Gosvami confirme en outre que les noms de Krishna sont également spirituels. Le Seigneur est appelé anama (littéralement « sans nom »), parce qu’Il n’a pas de noms matériels. Dans ce monde matériel, à la naissance un enfant reçoit un nom et appartient naturellement à une caste, une classe, une tribu, une secte ou une race. Toutes ces désignations corporelles se rapportant au nom, à la classe et à la nationalité sont matérielles et temporaires. Elles durent aussi longtemps que dure le corps matériel et elles peuvent parfois changer, même au cours de cette même vie.
Comme la naissance du Seigneur est transcendante et éternelle, il en va de même pour Son nom qui est également éternel. Ses noms se trouvent dans les mantras védiques, lesquels sont éternels. Sa forme est éternelle et selon l’école de logique Nyaya : « Les attributs d’un objet éternel sont également éternels » (nityam gataṁ nityaṁ, Le Tarka-saṁgraha, 3.6). Ainsi, le nom du Seigneur et Ses autres attributs sont des manifestations éternelles de Sa puissance interne.
Personne ne peut attribuer un nom à Krishna car Il existait avant tout le monde. En réalité, c’est Lui qui a donné des noms à tous les objets créés par Lui :
« La connaissance des noms de divers objets et des fonctions respectives de différents types de personnes a été obtenue par le Seigneur Brahma à partir des paroles des Vedas. C’est ainsi qu’il a propagé la classification des noms et des diverses fonctions ». (La Manu-smṛti 1.21)
Le Seigneur Krishna est connu sous le nom de vedanta-krit (Gita 15.15), « auteur du Vedanta », et sous celui de veda-vid, « connaisseur du Veda ». C’est Lui qui a énoncé les Vedas au Seigneur Brahma (SB 11.14.3). Les noms et classes attribués aux personnes ne font pas partie de leur nature essentielle ; ils peuvent être modifiés ou remplacés par de nouveaux noms ou classes : cela ne provoquera aucun changement dans leur nature essentielle. Ils ne servent qu’à faciliter les relations empiriques. Un imbécile peut être nommé pandita-shiromani (le joyau de la couronne des savants), et un aveugle, padma-locana (celui aux yeux de lotus), mais cela n’aura aucune incidence sur leur nature essentielle. Il n’existe aucune relation factuelle entre le nom d’une personne et ses qualités. Tel n’est pas le cas des noms du Seigneur. Cependant, comme Krishna n’est pas différent de Ses noms, Sa puissance totale existe également dans Ses noms. Cela est confirmé par le Seigneur Shri Caitanya Mahaprabhu :
« Ô mon Seigneur, innombrables sont Tes noms et Tu les as infusés de toutes Tes puissances. De plus, Tu n’as appliqué aucune règle quant à l’endroit et au moment où ces noms doivent être rappelés. Telle est Ta miséricorde, ô Seigneur, et pourtant, je suis si malheureux que je n’ai aucun amour pour eux ». (Le Shikshastaka 2)
La nature transcendante du Saint Nom peut être réalisée en chantant le nom du Seigneur sans offense.
Les noms du Seigneur Krishna peuvent nous rappeler un attribut qu’Il possède, tel que ghana-shyama : « Celui qui est noirâtre comme un nuage de pluie d’une fraiche mousson ». Ou bien ils peuvent nous rappeler Ses divertissements, tels que giridhari : « Celui qui a soulevé la colline de Govardhana ». Comme Il est intrinsèquement doté de qualités trans-conventionnelles et comme Il manifeste éternellement un divertissement trans-égoïque (lila), il n’est pas nécessaire qu’on Lui attribue des noms conceptualisés qui ne sont pas susceptibles de refléter Sa véritable nature.
Dans les temps védiques, c’était pratique courante de faire venir des brahmanas érudits afin d’établir l’horoscope d’un nouveau né, ainsi que d’attribuer à l’enfant un nom approprié qui corresponde à son futur. Par exemple, il est possible de faire référence aux cérémonies d’attribution du nom de Maharaja Parikshit et du Seigneur Krishna décrites dans le Shrimad Bhagavatam. C’est la raison pour laquelle les noms dans la littérature védique correspondent si précisément au caractère de ceux qu’ils désignent. En réalité, la correspondance est si proche qu’elle conduit les sceptiques à interpréter les histoires comme une simple fable, en pensant que des noms appropriés doivent avoir été choisis par l’auteur.
Selon les autorités védiques, même les lettres ont une puissance transcendante. Jaimini déclare dans son Mimamsa-sutra : « Les mots sont certainement éternels et leur prononciation transmet du sens aux autres » (1.1.18). Un grand représentant de l’école Mimamsaka, Bhagavan Upavarsha, dit que chaque lettre est un mot, les lettres sont ainsi éternelles. Pour cette raison, les lettres en sanskrit sont appelées akshara, « impérissables ». De plus, si les mots sont considérés comme étant éternels, leurs parties constituantes doivent également être éternelles. Encore une fois, la logique veut qu’il ne soit pas possible d’avoir un objet éternel avec des composants temporaires, car « ce qui n’est pas dans la cause ne peut pas être dans l’effet » (Le Vaisheshika-sutra 1.1.13).
Selon Shri Krishna, les mots sont une manifestation du Brahman :
« Le Seigneur Suprême, qui donne la vie à tous, Se révèle dans les chakras du corps humain. Après être entré dans le muladhara-cakra avec le prana sonore et avoir assumé des formes subtiles composées de substances mentales, Il se manifeste sous une forme grossière [sur la langue] composée de voyelles, d’accent et de consonnes ». (SB 11.12.17)
C’est aussi l’opinion des tantrikas et des grammairiens tels que Panini.
Une objection peut être soulevée ici. Selon notre expérience commune, les mots sont prononcés à l’aide des cordes vocales, de la langue, du palais, des lèvres, etc., et sont ensuite immédiatement perdus. Alors, comment les mots peuvent-ils être acceptés comme étant éternels ? La réponse est que la langue et la bouche ne créent pas les mots, elles les prononcent seulement et les transmettent aux autres. Les mots existent éternellement et l’action de la parole ne fait que les rendre audibles. La parole peut être comparée à la lumière qui rend visibles les objets dans une pièce sombre ; elle ne les crée pas.
Le Saint Nom du Seigneur est certainement éternel, étant non différent de Lui, Il existe par Lui-même et est de nature consciente. Dans les sections 35.3 et 35.4 du Bhagavat Sandarbha, Shrila Jiva Gosvami choisit quelques textes des Védas et Puranas pour établir la nature consciente du Nom.
Le shabda est le seul pramana (ou moyen de connaissance valide) adéquat pour s’assurer de la connaissance de la réalité qui sous-tend et transcende la nature matérielle. Shri Shuka a clairement expliqué les gloires du Saint Nom dans le Shrimad Bhagavatam, en particulier dans le récit relatant la vie d’Ajamila. Le Saint Nom peut libérer une personne même s’Il est chanté incidemment, car le pouvoir d’un objet ne dépend pas de la connaissance de son utilisateur. Le feu brûlera, qu’on le touche sciemment ou par accident. De même, le nom du Seigneur réduit en cendres les péchés, qu’Il soit chanté sciemment ou inconsciemment, avec foi ou sans foi :
« De même que le feu réduit en cendres l’herbe sèche, de même le Saint Nom du Seigneur – qu’Il soit chanté sciemment ou inconsciemment –, réduit infailliblement en cendres toutes les réactions des activités pécheresses de celui qui le chante. De même qu’un médicament de la plus haute puissance curative, même s’il est pris par hasard, agira même sur une personne ignorant son efficacité, de même le Nom du Seigneur agira même s’Il est prononcé par coïncidence ». (SB 6.2.18-19)
Les écritures nous avertissent que de telles déclarations ne doivent pas être considérées comme de simples éloges (artha-vada). Autrement, comme le Padma Purana nous met en garde, nous commettons une offense envers le Saint Nom.
Fin de la première partie.
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