Le Soi et le libre arbitre dans la sampradaya de Shri Caitanya Mahaprabhu (4ème partie)

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Les adeptes de l’advaita-vada proposent des citations faisant autorité : « C’est ce qui se situe dans la conscience », « La conscience accomplit le sacrifice », « Sa forme intrinsèque est la conscience ».

Section 2 : La conception de l’advaita-vada

Les adeptes de l’advaita-vada proposent des citations faisant autorité :

  • yo vijñane tiṣṭhan – « C’est ce qui se situe dans la conscience » (Brihad-aranyaka Upanishad, 5.7.22).
  • vijnānam yajnam tanute – « La conscience accomplit le sacrifice » (Taittiriya Upanishad, 2.5.1).
  • jnāna-svarūpa – « Sa forme intrinsèque est la conscience » (Vishnu Purana, 1.2.6).

En se référant à ces déclarations, ils affirment que l’atman est la forme intrinsèque de la conscience (jnana-svarupa), et non une entité distincte possédant la conscience (jnata). En d’autres termes, c’est la conscience, mais de manière inhérente, elle ne possède pas de conscience. Ils suggèrent que l’atman ne puisse posséder la conscience que lorsqu’il acquiert l’aide d’un appareil psychique (antahkarana). De ce fait, ils concluent que le potentiel de connaître (jnatritva) n’est qu’une superposition sur l’atman.

Lorsqu’ils sont confrontés aux déclarations des écritures qui présentent une vision différente, telles que « l’atman est auto-lumineux », ils définissent le terme « auto-lumineux » avec seulement sa signification secondaire, selon laquelle l’atman peut illuminer pour lui-même, mais  pas pour les autres, et ils en excluent le sens premier, c’est-à-dire que l’atman s’illumine, en disant : « Si la conscience est un objet de cognition, elle n’est pas meilleure que tout autre objet de cognition qui la rend inerte ».

Réfutation par Shri Jiva Goswami

Shri Jiva Goswami rejette ces arguments en se fondant sur les déclarations des écritures qui décrivent l’atman comme une entité à la fois composée de conscience et possédant la connaissance de soi. Dans son commentaire intitulé le Sarva-samvadini sur le Paramatma Sandarbha, il cite:

  • vijñātāram are kena vijāniyāt – « Par quoi le connaisseur peut-il être connu? » (Brihad-aranyaka Upanishad, 2.4.14).
  • na hi vijñāturvijñāterviparilopo vidyate ‘vināśitvāt – « La connaissance du connaisseur n’est jamais perdue » (Brihad-aranyaka Upanishad, 4.3.30).

D’autres écritures qui décrivent l’atman en tant que vijnana, comme il est indiqué ci-dessus dans les arguments de l’advaita-vada, précisent que l’atman est composé de sensibilité, ce qui ne contredit pas la logique selon laquelle un objet qui a de la sensibilité est sensible.

Shri Jiva Goswami fait référence à un argument présenté par Shri Ramanujacarya dans son commentaire sur le Vedanta Sutra : Le Shri-bhashya. Il cite « jānātyeva ayam puruṣaḥ » (« [c]e purusha [atman] sait certainement ») pour affirmer que l’atman est composé de sensibilité (jnana svarupa) et est par conséquent intrinsèquement sensible (jnatritva).

Objection de Vaisheshika

Les Vaisheshikas – adeptes de l’école de logique indienne – soutiennent que l’atman ne peut pas avoir la conscience comme sa caractéristique inhérente (jnana-svarupa) car cela signifierait qu’it doit être omniscient. Ils en arrivent à ce dilemme uniquement parce qu’ils considèrent que l’atman individuel est omniprésent. Leur logique est la suivante : «Une substance composée de conscience et présente partout doit avoir la connaissance de tout ». Cependant, l’idée que l’atman est individuellement omniprésent n’est pas conforme aux écritures, qui décrivent l’atman comme collectivement omniprésent mais individuellement minuscule et localisé.

« L’atman est atomiquement infime… », déclare la Mundaka Upanishad (2.1.9).

La Brihad-aranyaka Upanishad (4.4.2) explique que l’atman sort du corps après la mort et se déplace vers les planètes supérieures. De même, la Kaushitaki Upanishad déclare : « Ils quittent cette planète et vont sur la planète lunaire et de là, ils reviennent ». Le mouvement est impossible pour une entité présente de partout. Par conséquent, les descriptions dans les écritures du mouvement de l’atman décrivent celui-ci comme étant infime et localisé.

Le jnana comme substance et attribut de l’atman

Comme le mot jnana est si souvent utilisé pour décrire l’atman, il ne serait pas bon de conclure une discussion sur l’atman sans discuter de la signification de ce mot. Les différentes significations du mot jnana peuvent être trouvées dans un autre article sur ce sujet : Qu’est-ce que le jnana ?

La caractéristique du jnanaartha-prakashaka, éclairer les choses – se trouve à la fois dans le substrat du jnana (l’atman) et dans le jnana lui-même (la caractéristique de l’atman). Le premier se révèle et le second révèle des objets. On peut se demander : « Comment l’atman peut-il être à la fois la source du jnana et le jnana lui-même ? » Une flamme fournit une analogie toute faite : la flamme et sa luminosité sont toutes deux lumineuses, mais la flamme est la source d’éclairage et la luminosité est sa qualité. La flamme s’illumine d’elle-même et sa luminosité s’illumine ainsi qu’elle illumine d’autres objets. Ainsi l’atman est-il souvent comparé à une flamme, car il est la source de la conscience et il possède la qualité de la connaissance. 

La connaissance ne peut pas se connaître, bien qu’elle soit capable de s’illuminer et d’illuminer d’autres choses. L’atman cependant existe par lui-même et pour lui-même (pratyak) ; la connaissance qu’il possède en tant que qualité existe aussi pour l’atman (parak). L’atman est conscient et a une conscience, mais le jnana est inerte, mais pas exactement comme des objets matériels tels qu’un livre : il est éclairé par la conscience de l’atman.

La connaissance est relationnelle, impliquant un sujet auquel elle appartient et un objet auquel elle renvoie. Il est possible de noter ici que le sujet qui fait l’expérience de la connaissance et qui la génère, n’est pas exactement l’atman, mais une projection conditionnelle de celui-ci, un « soi conditionnel ». La connaissance des objets extérieurs survient lorsque la conscience de l’atman est réfléchie par l’esprit (le siège de la « conscience conditionnelle »), lorsqu’elle brille à travers les sens et lorsqu’elle entre en contact avec des objets extérieurs.

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