L’ontologie du jiva. Partie 4

Les advaita-vadis soulèvent une objection quant à la nécessité d’accepter le pouvoir d’illumination (dharma-bhuta jnana) comme une qualité que possède l’atma : « La conscience (jnana) ne peut pas être le refuge d’une autre conscience (jnana).

Les advaita-vadis soulèvent une objection quant à la nécessité d’accepter le pouvoir d’illumination (dharma-bhuta jnana) comme une qualité que possède l’atma : « La conscience (jnana) ne peut pas être le refuge d’une autre conscience (jnana). Alors, comment le soi conscient peut-il posséder la qualité de conscience (jnana) ? » La signification de cette objection est qu’un attribut ne peut pas avoir d’attributs. Les attributs sont inhérents à une substance, pas à un autre attribut. Par exemple, la douceur est inhérente au sucre, mais la douceur elle-même est dépourvue de tout attribut.

Nous poserons alors cette question : dites-vous cela en vous fondant sur la logique ou en vous référant à une déclaration de la Shruti ?

Si l’objection est fondée sur la logique, nous répondrons qu’il n’est pas illogique que la conscience soit une qualité abritée dans un sujet conscient. Selon l’expérience générale, nous voyons tous que la conscience existe toujours en tant qu’attribut de quelqu’un. Un objet conscient possède toujours la conscience. Nous n’expérimentons jamais la conscience comme une entité indépendante, non abritée dans un être conscient. Ainsi, si vous insistez sur le fait que l’atma est la conscience par nature (jnana svarupa) et qu’il ne peut pas posséder de conscience du fait qu’un attribut ne peut pas avoir un autre attribut, cette même logique exigerait que cet atma, que vous considérez comme une simple conscience et, de ce fait, comme un attribut, soit abrité dans une autre entité consciente.

Si l’objection est fondée sur une déclaration de la Shruti, nous répondons que la Shruti elle-même établit que la conscience (jnana) peut être l’abri de la conscience (jnana). Par exemple, dans des déclarations telles que : « Le soi conscient est celui qui agit et celui qui connaît » (karta boddha vijnana atma, La Prasnopanisad 4.9). Le mot « celui qui connaît » signifie que le soi conscient (vijnana) possède la connaissance (jnana). Ici, l’atma peut se référer au moi individuel ou au Seigneur. Lorsqu’il se réfère au soi individuel, cela signifie que l’atma a le potentiel d’être à la fois agent et connaisseur, et qu’il possède une conscience. Lorsqu’il se réfère au Seigneur, cela signifie que le Seigneur est l’agent, le connaisseur et un être conscient.

Les advaita-vadis soulèvent une autre objection :

« Le verset précédent (SB 3.25.6) dit que l’atma, qui est au-delà de la prakriti, considère les actions accomplies par les gunas de la nature comme les siennes. Cela montre clairement que l’entité vivante consciente n’est pas elle-même l’auteur des actes mais qu’elle imagine simplement que les actes accomplis par les gunas conscients sont les siens. En effet, cela est approprié, car ici, ainsi qu’à d’autres endroits dans les écritures, l’atma est décrit comme un non-agent, et seuls les gunas sont décrits comme les agents de toutes les activités.

Par exemple, dans la Katha Upanishad, après avoir déclaré que l’atma est dépourvu de toutes les qualités matérielles, telles que la naissance et la mort, la capacité d’agir derrière des activités telles que le meurtre est également niée :
“Si le tueur pense qu’il tue, si la victime pense qu’elle est tuée, aucun d’eux ne comprend. L’atma ne tue ni ne se fait tuer” (KU 2.19).

Le but de ce mantra est de montrer qu’une telle personne ne comprend pas l’atma. Cette idée est reprise dans la Bhagavad Gita où le Seigneur Lui-même décrit l’atma comme étant dépourvu d’action et affirme que se considérer comme un agent est une illusion orgueilleuse ».

3.27
prakṛteḥ kriyamāṇāni guṇaiḥ karmāṇi sarvaśaḥ
ahaṅkāra-vimūḍhātmā kartāham iti manyate

« Toutes les actions sont accomplies par les sens faits de prakṛti. Celui dont l’esprit est trompé par l’égoïsme pense : “Je suis celui qui agit” ».

14.19
nānyaṁ guṇebhyaḥ kartāraṁ yadā draṣṭānupaśyati
guṇebhyaś ca paraṁ vetti mad-bhāvaṁ so ’dhigacchati

« Lorsqu’une personne [qui sait faire preuve] de discernement  ne voit aucun autre agent que les guṇas de la nature matérielle et se connaît au-delà des guṇas, alors elle atteint Ma nature ».

3.20
prakṛtiṁ puruṣaṁ caiva viddhy anādī ubhāv api
vikārāṁś ca guṇāṁś caiva viddhi prakṛti-sambhavān

« Sache que la prakṛti et le puruṣa sont sans commencement. Et sache que toutes les modifications ainsi que les objets constitués de guṇas matériels sont nés de la nature matérielle ».

« Par conséquent, nous disons que le puruṣa (ātmā) n’a que du plaisir. L’auteur de l’action appartient à la prakṛti ».

Nous répondons :

La conclusion tirée des références ci-dessus ne peut pas être valide, car elle contredit de manière flagrante la section sur « la capacité d’agir de l’atma » (karta adhikaraṇa) du Vedānta Sūtra. Les sūtras de cette section établissent clairement l’atma, et non les gunas de la prakriti, comme l’agent des actions. Le sūtra 2.4.33 est particulièrement profond. Il dit : « Le soi est celui qui agit, sinon les écritures n’ont ni sens ni but ».

L’écriture regorge de déclarations telles que : « Celui qui désire aller au ciel devrait accomplir des sacrifices » et « Celui qui désire la libération doit adorer le Brahman ». Ces déclarations perdent tout leur sens si l’entité qui accomplit l’action n’est pas la même que celle qui bénéficie du résultat de l’action. Le fruit d’une action ne peut pas être réellement attribué à une entité qui n’a pas effectué l’action. Ainsi, le Jaimini Sūtra déclare : « Le résultat des śāstras va à celui qui accomplit l’action ».

De plus, si l’atma n’est pas l’auteur des actes, il devient essentiellement inerte. Une entité inerte ne peut pas être le destinataire d’instructions. Le śāstra est appelé « śāstra » car il instruit (śāsanāt śāstram). Les instructions sont données pour éveiller une prise de conscience. Une telle conscience est impossible pour les objets inertes comme le pradhana ou la prakriti. Un śāstra n’a ni utilité ni but si son destinataire n’est pas une entité consciente et capable d’agir.

L’adversaire cite des références affirmant que le soi n’est pas celui qui agit. Nous citons des références affirmant que le soi est celui qui agit. Comment concilier ces affirmations apparemment contradictoires ?

Nous pouvons les concilier en comprenant qu’elles traitent de sujets différents.

Le karta adhikaraṇa du Vedānta Sūtra parle de la capacité d’agir en termes de ce qui dirige le corps. Il déclare que cette action appartient au soi, atma. Le verset de la Kaṭha Upaniṣad (« L’atma ne tue ni ne se fait tuer ») traite de l’éternité du soi. Ce verset ne vise pas à nier l’action du soi mais à établir l’éternité de l’atma.

Les versets de la Bhagavad Gītā doivent être compris dans leur contexte global. Ils déclarent que les actes accomplis dans le domaine de la prakriti sont effectués à travers les gunas. L’atma lui-même ne peut intrinsèquement accomplir de tels actes ; cela est possible uniquement par son interaction avec les gunas. Ainsi, les gunas sont essentiels à l’accomplissement des actes au sein de la prakriti. Cela ne diminue pas l’importance de l’atma en tant que support ultime de l’action.

Après avoir déclaré (BG 13.20) que toutes les actions se produisent dans la prakriti, la Gītā clarifie cela dans les versets suivants :

13.21
kārya-kāraṇa-kartṛtve hetuḥ prakṛtir ucyate
puruṣaḥ sukha-duḥkhānāṁ bhoktṛtve hetur ucyate

« Il est dit que la prakṛti est la cause du corps et des sens. On dit que le puruṣa est la cause de l’expérience du bonheur et de la souffrance ».

13.22
puruṣaḥ prakṛti-stho hi bhuṅkte prakṛti-jān guṇān
kāraṇam guṇa-saṅgo ’sya sad-asad-yoni-janmasu

« Située dans la prakṛti, l’entité vivante (puruṣa / ātmā) expérimente des objets (guṇas) nés de la nature matérielle. La cause de ses naissances élevées ou basses est son attachement aux guṇas ».

Dans le chapitre 18, la Gītā explique qu’il y a cinq facteurs dans toute action :

18.14
adhiṣṭhānaṁ tathā kartā karaṇaṁ ca pṛthag-vidham
vividhāś ca pṛthak ceṣṭā daivaṁ caivātra pañcamam

« Ces cinq sont : le siège de l’action (le corps), l’agent (l’entité vivante qui s’identifie au corps), les différents sens, les divers types d’efforts (mouvements des airs vitaux), et le daiva (le destin ou le Paramātmā), qui est la cinquième cause ».

18.15
śarīra-vāṅ-manobhir yat karma prārabhate naraḥ
nyāyyaṁ vā viparītaṁ vā pañcaite tasya hetavaḥ

« Toute action, juste ou injuste, accomplie par une personne au moyen du corps, de la parole ou de l’esprit, provient de ces cinq causes ».

18.16
tatraivaṁ sati kartāram ātmānaṁ kevalaṁ tu yaḥ
paśyaty akṛta-buddhitvān na sa paśyati durmatiḥ

« Malgré cela, celui qui se considère uniquement comme l’agent, à cause d’une intelligence impure, est insensé et aveugle ».

En conclusion, cinq acteurs interviennent dans chaque action phénoménale. Considérer l’atma comme le seul acteur est une erreur. Cette compréhension résout les contradictions apparentes entre les références fournies par l’adversaire et par nous-même. Il est clair que le soi pur, bien qu’intrinsèquement conscient, possède une capacité d’agir et d’éprouver du plaisir sous une forme de potentielle, qui se manifeste dans l’union avec un corps matériel conditionné par le karma.

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