Dans le Paramātmā-sandarbha (anuccheda 93), Śrī Jīva Gosvāmī déclare que la graine de la bhakti est impérissable, ce qui semble contredire ce que Kṛṣṇadāsa Kavirāja Gosvāmī écrit dans le Caitanya-caritāmṛta, où il décrit comment la bhakti peut être totalement déracinée par l’āparādha.
Question. Dans le Paramātmā-sandarbha (anuccheda 93), Śrī Jīva Gosvāmī déclare que la graine de la bhakti est impérissable, ce qui semble contredire ce que Kṛṣṇadāsa Kavirāja Gosvāmī écrit dans le Caitanya-caritāmṛta, où il décrit comment la bhakti peut être totalement déracinée par l’āparādha. Personnellement, je comprends cette affirmation comme impliquant que la plante grimpante de la bhakti peut être déracinée, mais que la graine demeure. Qu’en pensez-vous ?
Réponse. Si nous comprenons que la bhakti est donnée par la grâce du guru, alors il est aisé de concevoir qu’elle peut également être retirée. Elle est impérissable en ce sens qu’elle ne se détruit pas. Śrī Rūpa Gosvāmī affirme : bhavo’pi yābhāvam āyāti kṛṣṇa-preṣṭha-aparādhataḥ (Bhakti-rasāmṛta-sindhu 1.3.54) – « En offensant un cher dévot de Kṛṣṇa, le bhāva peut devenir abhāva, ou inexistant ». Il n’a pas employé le mot « naṣṭā », qui signifie « détruit ». Ainsi la bhakti vient-elle par grâce et peut disparaître à cause de l’offense. Cependant, elle n’est pas une chose matérielle mais une entité consciente. De ce fait, elle ne peut pas être anéantie.
Question. Quelle est votre opinion sur la description de Śrī Sanātana Gosvāmī de l’aprakāta-līlā dans le Bṛhad-bhāgavatāmṛta ? Je fais ici référence à certains aspects qui diffèrent des descriptions d’autres ācāryas, tels que Kṛṣṇa quittant Vraja, ou châtiant des asuras, etc. La référence concerne les versets 2.6.220 à 363, y compris le ṭīkā de Sanātana Gosvāmī vers la fin.
Réponse. Ma compréhension est que Śrī Sanātana Gosvāmī se concentre principalement sur l’explication de l’essence des principes de la bhakti. En d’autres termes, son but est d’établir la supériorité du Vraja-prema et non d’examiner des subtilités telles que le fait que Kṛṣṇa tue ou non des asuras dans l’aprakāta-līlā. Cette compréhension repose sur le verset 1.1.11, ainsi que sur les versets et le commentaire de Sanātana Gosvāmī sur les versets 2.6.218-219, où il traite de la différence entre le prema des Vaikuṇṭha-pariṣadas et celui des vrajavāsīs.
La nature suprême du Vraja-prema ne peut être établie sans mettre en évidence la séparation entre les vrajavāsīs et Kṛṣṇa. C’est pourquoi, dans le verset 2.6.220, il commence à raconter le Kāliya-damana-līlā et, par la suite, le départ de Kṛṣṇa pour Mathurā. Entre les deux, en quelques versets seulement, il décrit la mise à mort de Keśī, Vṛṣabha, etc., puis donne une description très détaillée du déplacement de Kṛṣṇa vers Mathurā. À cet égard, le verset 2.6.238 est très pertinent, car il compare les vrajavāsīs avec le reste des dévots. Ainsi, la véritable intention de Sanātana Gosvāmī en décrivant ces divertissements ne consiste pas à décrire la distinction entre le prakaṭā- et l’aprakāta-līlās, mais à affirmer la primauté du Vraja-prema. Je ne perçois ainsi aucune contradiction.
Question. J’ai une question concernant l’anuccheda 84 du Prīti Sandarbha, qui se situe dans la section consacrée aux rasas mixtes. Sans utiliser le terme saṅkula-rati, Jīva Gosvāmī y évoque les saṅkula de Yudhiṣṭhira, Uddhava et Baladeva. Il traite ensuite des reines et des gopīs d’une manière que Śrī Rūpa Gosvāmin n’adopte pas dans son Bhakti-rasāmṛta-sindhu. En effet, ce dernier ne reconnaît pas le saṅkula-rati incluant le mādhurya ; il ne mentionne que le dāsya, le sākhya et le vātsalya comme pouvant se combiner de cette manière, bien que ces rasas soient soit incompatibles entre eux, soit neutres. Toutefois, il admet que les rasas peuvent temporairement se mélanger et que ces influences transitoires fonctionnent comme des sañcāri-bhāvas, ce qui est différent du saṅkula-bhāva. Je vous serais reconnaissant de vos éclaircissements.
Réponse. L’affirmation exacte de Śrī Jīva Gosvāmī est la suivante : evam patta-mahiṣīṣu dāsya-miśraḥ kāntā-bhāvaḥ, śrīmad-vraja-devīṣu sakhya-miśra ityādikaṁ jñeyam – « De même, les principales reines de Kṛṣṇa possèdent un kāntā-bhāva mêlé de dāsya, et les Vraja-devīs un kāntā-bhāva mêlé de sākhya ».
Dans le Bhakti-rasāmṛta-sindhu 2.5.24, Śrī Rūpa Gosvāmī divise le dāsya, le sākhya et le vātsalya en deux catégories : kevala et saṅkula. Curieusement, il n’inclut pas le mādhura dans cette classification. Il ne précise pas non plus expressément qu’il l’exclut. La raison de cette omission demeure inconnue.
Nous pouvons supposer qu’il a souhaité traiter le mādhura séparément afin de mettre en évidence son importance, ce qu’il développe dans l’Ujjvala-nīlamaṇi. Dans cet ouvrage, Śrī Rūpa Gosvāmī inclut le sākhya et le praṇaya dans le cadre du sthāyi-bhāva des gopīs dans le chapitre consacré à ce dernier. Il illustre même son propos par un verset du Śrīmad-Bhāgavata (10.32.4).
D’après le Śrīmad-Bhāgavata, il est manifeste que les reines de Kṛṣṇa possèdent un kāntā-bhāva mêlé de dāsya. Cela est notamment attesté par des versets tels que 10.52.43 (yasyāṅghri…), 10.60.34 et 10.83.41-43.
Quant au rati des gopīs mêlé de sākhya, cela ressort des versets 10.31.4-6, où elles s’adressent à Kṛṣṇa en tant que sakha. De plus, Kṛṣṇa lui-même S’adresse aux gopīs en les appelant sakhya (amies) dans les versets 10.32.17 et 10.32.20.
Question. Votre position semble être que le bhāva des gopīs est saṅkula–mādhurya mêlé à sākhya. Si tel est le cas, comment conciliez-vous cela avec le fait que Śrī Rūpa Gosvāmī évoque également le kevala-mādhurya ? Si nous acceptons que le mādhurya des gopīs soit mélangé à l’amitié (sākhya), et que le mādhurya des mahiṣīs de Dvārakā soit combiné au dāsya, alors nous n’avons que des exemples de saṅkula-mādhurya, mais aucun exemple de kevala-mādhurya.
Réponse. Śrī Rūpa Gosvāmī n’analyse pas seulement le bhāva des gopīs, mais le bhāva en général. Ce n’est pas parce que les gopīs ont un saṅkula-mādhurya que cela signifie que le kevala-mādhurya n’existe pas.
Question. Certes, mais la question demeure : si nous admettons l’existence du kevala-mādhurya, tout en acceptant que le mādhurya des gopīs est saṅkula car mêlé à l’amitié (sākhya), et que celui des mahiṣīs est également saṅkula en raison de son mélange avec le dāsya, alors quel serait l’exemple de kevala-mādhurya ? S’il existe, il devrait en exister un exemple concret. Si nous nous en tenons strictement à ce que Śrī Rūpa Gosvāmī a écrit, nous pourrions affirmer que les gopīs en sont l’exemple. Mais si nous prenons également en compte ce que Śrī Jīva Gosvāmī mentionne à propos du mélange du mādhurya des gopīs avec le sākhya, alors il devient difficile d’harmoniser leurs points de vue respectifs.
Réponse. Tout dépend de la manière dont vous souhaitez circonscrire votre analyse aux exemples donnés dans le Bhakti-rasāmṛta-sindhu. Il peut exister des gopīs qui sont dans un kevala-mādhurya, tout comme certaines mahiṣīs également. Toutes les gopīs et toutes les mahiṣīs n’ont pas exactement la même humeur. Kṛṣṇa est rasarāja : Il doit de ce fait manifester toutes les variétés de rasa, qu’il s’agisse de kevala ou de saṅkula. Cet aspect doit être étudié en profondeur sous l’angle du rasa. Par ailleurs, il existe d’autres formes de Bhagavān, telles que Rāma.
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