Les effets du karma individuel et collectif

Selon la science moderne, le monde est constitué de matière, laquelle obéit à certaines lois naturelles. L’une des plus importantes est la relation de cause à effet : une cause doit exister avant que l’effet n’apparaisse.

Selon la science moderne, le monde est constitué de matière, laquelle obéit à certaines lois naturelles. L’une des plus importantes est la relation de cause à effet : une cause doit exister avant que l’effet n’apparaisse. Les causes sont de deux types, à savoir la cause matérielle (upādāna kāraṇa) et la cause instrumentale (nimitta kāraṇa). La cause matérielle constitue l’effet ou le produit, tandis que la cause instrumentale produit l’effet en utilisant la cause matérielle. Par exemple, les causes matérielles d’une soupe aux légumes sont les légumes, les épices et l’eau, tandis que la cause instrumentale est le cuisinier. Outre celles-ci, il existe des causes auxiliaires, telles que le feu, une marmite et une louche dans le cas de cette préparation.

Il n’existe aucun produit ou effet sans cause, et aucune cause sans effet. La science s’attache principalement à étudier les causes des effets perçus et réciproquement. Les lois de la nature sont supposées fixes et, fondée sur celles-ci, la science peut établir des prédictions. Cependant, à l’échelle quantique, ces lois deviennent moins certaines et, de ce fait, moins prévisibles. La prévisibilité se trouve alors associée à un élément de probabilité.

 

Les complexités du cycle karmique

La conscience est encore plus subtile que les particules quantiques. La relation de cause à effet devient plus complexe lorsqu’un être conscient intervient. Dans le sanātana dharma, la relation de cause à effet concernant la matière est appelée svabhāva, tandis que celle qui régit les actions humaines est désignée par karma. Le terme « karma » désigne à la fois la cause et l’effet.

Le karma est ainsi une relation de cause à effet, mais il est plus complexe que le svabhāva, qui s’applique à la matière. Kṛṣṇa affirme que le résultat du karma est difficile à comprendre (gahanā karmano gatiḥ, Gītā 4.17). Il ne peut être appréhendé qu’à travers le śāstra. Cette complexité tient au fait que les actions impliquant la conscience n’obéissent pas aux lois mécaniques de la science. L’une des principales différences se trouve dans le caractère cyclique du karma. Dans le cas d’un produit matériel, celui-ci ne devient pas, à lui seul, la cause d’un autre produit. Mais dans le cadre du karma, l’effet ne demeure pas un simple effet : il devient à son tour la cause d’un autre karma (à l’exception des yogīs). Ainsi se perpétue le cycle du karma. L’effet du karma est ce que l’on nomme le destin. Le destin n’est rien d’autre qu’un karma passé, qui engendre à son tour un nouveau karma. Par conséquent, il est possible d’ affirmer que la relation de cause à effet régit la matière, tandis que le karma gouverne la vie. Étant donné que le monde ne se compose pas uniquement de matière, mais comprend également des formes de vie, il est essentiel de comprendre le fonctionnement du karma.

Tout être s’engage dans le karma, ou action. Nous sommes constamment impliqués dans une forme ou une autre de karma. Même lorsque nous croyons ne rien faire sciemment, une certaine forme de karma est à l’œuvre. C’est pourquoi Kṛṣṇa affirme que nul ne peut demeurer inactif, fût-ce un seul instant — na hi kaścit kṣaṇam api jātu tiṣṭhaty akarma-kṛt (Gītā 3.5).

 

Deux types de karma

Il existe deux types de karma : le laukika et le védique. Le laukika karma désigne une action qui n’est pas prescrite dans les Védas comme un devoir à accomplir. Cela inclut les activités ordinaires telles que manger, dormir, marcher, parler, etc. Le karma védique, en revanche, correspond aux actions ordonnées par les Védas, comme l’exécution d’un agnihotra yajña.

Ces deux types de karma produisent deux sortes d’effet : immédiat et différé. Par exemple, un karma laukika tel que manger a pour effet immédiat d’apaiser la faim et de procurer une satisfaction mentale. Son effet différé consiste à nourrir le corps. D’autres effets peuvent survenir, comme l’apparition d’une maladie si la nourriture était impropre. De même, un acte védique tel que l’accomplissement d’un agnihotra ou la récitation de mantras produit l’effet immédiat d’une bonne santé mentale, et l’effet différé d’un séjour dans le svarga (paradis), etc.

 

Comment le karma se manifeste

Comment ces effets du karma se manifestent-ils ? Le karma engendre un changement à la fois à l’intérieur de l’auteur de l’acte et dans son environnement extérieur. Chaque fois qu’une action est accomplie, elle produit un changement intérieur, créant un saṁskāra (impression subtile) qui est sauvegardé dans le citta (l’esprit inconscient ou cœur). Ce saṁskāra influence l’avenir de deux manières. Sa première influence est interne : il génère des pensées, des désirs et des émotions qui conduisent à de nouvelles actions. Bien qu’un saṁskāra soit l’effet d’une action passée, il devient la cause d’une action future.

La seconde influence est externe. Pour qu’un karma particulier, sous la forme d’un saṁskāra, se manifeste, une situation extérieure appropriée est nécessaire. Par exemple, un acte de charité procure une satisfaction immédiate et crée un saṁskāra dans le citta. En tant qu’effet différé, cette action engendrera ultérieurement une situation favorable ou heureuse. Cet effet extérieur est orchestré par les êtres divins (deva) sous la supervision du Paramātmā.

 

Citragupta tient des registres

Selon les Purāṇas, après la mort d’une personne, celle-ci est conduite à Yamaloka, la demeure de Yamarāja, le dieu chargé de la mort. Celui-ci dispose d’un assistant nommé Citragupta, chargé de tenir le registre du karma de chaque être. Yamarāja convoque Citragupta, qui énumère les bonnes et les mauvaises actions accomplies par la personne, sur la base desquelles Yamarāja détermine les résultats de son karma.

Le nom Citragupta est composé de deux termes : citra, qui signifie « image » ou « empreinte », et gupta, « caché ». Ainsi, Citragupta signifie littéralement « image ou empreinte cachée ». Ce concept renvoie au saṁskāra logé dans le citta, comparable à l’image dissimulée de l’action accomplie. Le citta agit comme une caméra cachée dans la région du cœur de chaque individu, enregistrant chaque expérience de vie sous forme de saṁskāra. Ces saṁskāras sont responsables de la manifestation ultérieure du karma et constituent le destin de l’individu. Lorsqu’une situation ou une action déterminée doit se produire dans son existence, le saṁskāra correspondant, mû par la force du temps, suscite une pensée ou une émotion particulière dans l’esprit, et l’individu agit en conséquence. C’est ainsi que la vie de chacun se trouve façonnée par son karma passé ou son destin.

 

L’effet externe du karma

En plus de créer un changement interne, le karma produit également un effet externe. Nous influençons en permanence la nature extérieure par nos actions. L’univers constitue une unité fermée. Si l’on fume dans un avion ou dans une pièce close, toutes les personnes présentes sont affectées par la fumée. De même, accomplir un agnihotra ou réciter son japa engendre un effet extérieur bienfaisant qui influence autrui. Ainsi, l’effet externe immédiat du karma est celui qui agit sur les autres et peut, pour cette raison, être qualifié de karma commun. Son effet différé se manifestera sous forme de situations extérieures heureuses ou malheureuses. Tandis que l’effet interne demeure lié et attaché à l’ātmā spécifique – ou âme – qui a accompli l’action, le karma commun n’adhère pas à un ātmā en particulier ; il est intégré à la nature. Or, la nature elle-même possède un ātmā, de nature cosmique. Tout changement dans la nature ou l’environnement – qu’il s’agisse du réchauffement climatique, de la pollution ou de la pandémie actuelle – provient de notre karma collectif et nous affecte collectivement.

Nous pouvons observer que lorsque des personnes s’adonnent de manière répétée à une activité dans un lieu donné, cela induit un changement dans l’environnement, de sorte qu’il devient plus facile pour d’autres de s’initier à cette activité. Par exemple, il sera plus aisé d’apprendre à jouer au tennis dans une région où ce sport est couramment pratiqué que dans un endroit où personne n’y joue. C’est sur ce principe que reposent l’existence de lieux saints, les tīrtha, tels que Vṛndāvana en Inde. Il est plus aisé d’y accomplir la sādhana, car de nombreuses personnes s’y sont livrées avant et y ont atteint la perfection spirituelle, créant ainsi une atmosphère sacrée. C’est pourquoi l’on affirme que réciter un mantra une seule fois à Vṛndāvana équivaut à le répéter cent fois ailleurs.

 

L’avantage de fréquenter des personnes saintes

Le principe de l’effet externe du karma justifie également l’importance du satsaṅga ou du sādhu-saṅga, ainsi que des grands rassemblements spirituels tels que la Kumbha Mela. Les individus tirent en effet bénéfice de la simple présence des sādhus. Dans le Yoga-sūtra (II.35), il est enseigné qu’un yogī ayant parfaitement intégré le principe d’ahiṁsā exerce sur son entourage une influence telle que les personnes entrant dans sa compagnie abandonnent toute inimitié (ahiṃsā-pratiṣṭhāyāṁ tat-sannidhau vaira-tyāgaḥ). C’est pourquoi les Purāṇas rapportent que les tigres et les cerfs vivaient en paix dans l’āśrama des sages.

Selon les neurosciences modernes, notre cerveau dispose de certains neurones appelés neurones de von Economo (VEN) ou neurones en fuseau. Ces neurones sont activés lorsque nous nous trouvons en compagnie d’autres personnes.

Les deux influences du karma peuvent être mieux comprises à partir des deux divisions de māyā, appelées nimitta et upādāna. Ces divisions sont également désignées par les termes jīva-māyā et guṇa-māyā, respectivement. La jīva-māyā est celle qui agit sur nos sens intérieurs, l’antaḥkaraṇa, composé de manas, buddhi, citta et ahaṁkāra. La guṇa-māyā est celle qui met à disposition des objets et des situations extérieures que nous expérimentons. Une entreprise de production fonctionne selon un principe analogue à ces deux divisions de māyā. En tant que guṇa-māyā, elle fabrique un produit, par exemple du Coca-Cola ; en tant que jīva-māyā, elle en fait la publicité, afin de susciter le désir de le consommer. Les publicités visent à influencer notre antaḥkaraṇa, à éveiller un désir en nous, puis à orienter notre buddhi vers l’achat du produit. Une fois cet objectif atteint, l’entreprise veille à rendre le produit disponible sur le marché. Ce processus illustre les deux effets du karma – interne et externe. Après tout, le karma relève de l’avidyā, ou māyā. C’est pourquoi il est parfois désigné par l’expression avidyā-kāma-karma.

 

Travailler sur nos saṁskāras

Essentiellement, le karma individuel est conservé en nous, mais nécessite un environnement extérieur pour se manifester. Ce qui se trouve à l’intérieur relève de l’individuel, tandis que le karma externe est de nature communautaire. Il devient ainsi un karma commun qui agit de deux manières. La première est une voie neutre : par exemple, les personnes se trouvant à proximité d’un fumeur seront affectées par la fumée. La seconde manière dont il nous influence procède de notre identification – soit positivement, sous forme d’attachement (rāga), soit négativement, sous forme d’aversion (dveṣa). Ainsi, si je m’identifie comme Indien, tout événement positif concernant l’Inde aura des répercussions sur moi. En Inde, on observe par exemple un enthousiasme collectif lors des matchs de cricket, en particulier ceux opposant l’Inde au Pakistan. Ce type d’influence provient de l’identification à une entité qui dépasse notre individualité. L’on peut dès lors supposer que toute entité supérieure possède un ātmā. Un pays acquiert ainsi également un ātmā, tout comme les rivières et les montagnes. Il ne s’agit en définitive que d’une question d’identification.

En raison de la nature de notre ahaṁkāra, nous avons tendance à nous identifier à ce qui est valorisé dans notre pays, notre équipe ou notre propre être. Nous répugnons à admettre la négativité concernant ce à quoi nous nous identifions. Il est cependant bénéfique que le citta conserve la trace de l’ensemble de ces éléments, afin que nous puissions procéder à une introspection. Nous disposons du choix de dépasser notre ahaṁkāra et d’examiner véritablement ces saṁskāras présents dans notre citta, que nous tendons à renier ou à éviter. Si nous entreprenons de travailler sur ces saṁskāras au cours de cette vie, alors nous sommes des personnes de valeur, ayant assumé la responsabilité de notre colère, de notre jalousie, de notre possessivité, de notre orgueil et de notre égoïsme. En revanche, si nous refusons ce travail, il nous faudra attendre que Citragupta nous les expose après la mort.

Cependant, si nous souhaitons nous libérer totalement du karma, il convient d’adopter la bhakti au sens véritable, en tant que serviteurs de Kṛṣṇa. Cela permet de nous affranchir du karma, dans la mesure où nous cessons de nous identifier indépendamment à notre corps.

Notify me of new articles

Post comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *

  • Satyanarayana Dasa

    Satyanarayana Dasa
  • Daily Bhakti Byte

    In the Brihad Aranyaka Upanishad it is said that the Vedas came out on the breath of God. Just like you are breathing without thinking, for God, this Vedic knowledge is as natural. Therefore, God gave the Vedic knowledge effortlessly, just like breathing. If God wants to bring out the Vedas through breathing, He can do that. For Him every sense can do the function of any another sense because He is beyond duality. He is Absolute so His senses are also absolute.

    — Babaji Satyanarayana Dasa
  • Videos with Bababji

  • Payment

  • Subscribe

  • Article Archive

  • Chronological Archive

© 2017 JIVA.ORG. All rights reserved.