L’abandon

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L’abandon est l’étape fondamentale sur le chemin de la bhakti. L’abandon est comme le fondement de l’édifice de la bhakti : le fondement est invisible mais il soutient l’édifice. De même, les activités liées au service de dévotion sont fondées sur l’abandon. Sans l’abandon, le service n’est rien d’autre qu’un simple travail.

L’abandon est l’étape fondamentale sur le chemin de la bhakti. L’abandon est comme le fondement de l’édifice de la bhakti : le fondement est invisible mais il soutient l’édifice. De même, les activités liées au service de dévotion sont fondées sur l’abandon. Sans l’abandon, le service n’est rien d’autre qu’un simple travail. Le système du varnashrama a été conçu dans la société védique pour entraîner une personne à s’abandonner. À l’heure actuelle, toute l’éducation s’oppose à la notion d’abandon. Par conséquent, la plupart d’entre nous ne comprennent pas vraiment la véritable signification du mot « s’abandonner ». Nous pouvons en avoir une vague idée, mais ce que cela signifie dans le contexte de la bhakti doit être étudié à partir de la littérature sur la bhakti. Dans l’anuccheda 236 du Bhakti Sandarbha, Shri Jiva Gosvami en donne une explication détaillée. Je présente ici la traduction du texte original ainsi que mon commentaire.

Traduction de l’anuccheda 236

Sharanapatti

Il existe différentes divisions de la vaidhi-bhakti, y compris l’abandon (sharanapatti), le service offert aux dévots authentiques (sat-seva), en commençant par son guru, l’écoute (shravana), le chant (kirtana) et d’autres actes de dévotion similaires. Il est compris d’après les écritures que ces divisions de la bhakti, qu’elles soient pratiquées individuellement ou en combinaison de deux ou de trois, contribuent à atteindre le stade de la perfection dans la bhakti [c’est-à-dire le bhava].

Parmi les pratiques mentionnées ci-dessus, examinons d’abord le sharanapatti, ou l’abandon. Une personne qui est dépossédée de tout autre refuge (ananya-gati) et qui est opprimée par la peur de l’existence matérielle (samsara) suscitée par les six ennemis [convoitise, colère, avidité, illusion, orgueil et envie], se place sous la protection de  Bhagavan. Même une personne qui n’aspire qu’à la bhakti (bhakti-matra-kama), poussée à détourner son regard de Bhagavan (vaimukhya), conduite par les mêmes six ennemis, cherche a prendre refuge en Lui.

L’état d’être privé de tout autre refuge (ananya-gatitvam) est également montré comme étant de deux types : déclarer qu’il n’y a pas d’autre refuge que Bhagavan ou abandonner la protection d’autres dieux dépendants, en comprenant que Bhagavan est le seul refuge indépendant, alors qu’auparavant la personne manquait de connaissance suffisante.

Un exemple de déclaration qu’il n’y a pas d’autre refuge que Bhagavan est donné dans ce verset :

martyo mṛtyu-vyāla-bhītaḥ palāyan lokān sarvān nirbhayaṁ nādhyagacchat
tvat pādābjaṁ prāpya yadṛcchayādya svasthaḥ śete mṛtyur asmād apaiti

« O Être Primordial (adya), terrifié par le serpent de la mort et fuyant dans tous les coins de l’univers [en cherchant refuge], un être mortel est incapable de trouver un seul endroit exempt de la peur. Mais ayant atteint Tes pieds de lotus par la volonté de la Providence [c’est-à-dire par la grâce sans cause de dévots hautement réalisés], il reste paisible car même la mort s’éloigne de lui ». (SB 10.3.27)

Un exemple d’abandon de tout autre refuge est mentionné par Bhagavan Shri Krishna :

tasmāt tvam uddhavotsṛjya codanāṁ prati-codanām 
pravṛttaṁ ca nivṛttaṁ ca śrotavyaṁ śrutam eva ca 
mām ekam eva śaraṇam ātmānaṁ sarva-dehinām 
yāhi sarvātma-bhāvena mayā syā hy akutobhayaḥ

« Par conséquent, ô Uddhava, abandonnant toutes les injonctions (codana) et interdictions (praticodana), toutes les actions prescrites (pravrittam) et interdites (nivrittam), et tout ce qui est digne d’étude avec tout ce qui est déjà étudié, prends refuge en Moi seul avec tout ton être car Je suis le Soi de tous les êtres incarnés. Sans doute atteindras-tu l’intrépidité grâce à Moi ». (SB 11.12.14-15)

Shridhara Svami commente : « Le mot “codana” se réfère ici aux shrutis [c’est-à-dire les injonctions trouvées dans les quatre Védas originaux] et “praticodana” se réfère au smritis [ou les injonctions trouvées dans la littérature supplémentaire aux Védas, comme les Puranas] ».

Nous trouvons une déclaration similaire dans la Bhagavad Gita :

sarva-dharmān parityajya mām ekaṁ śaraṇaṁ vraja 
ahaṁ tvāṁ sarva-pāpebhyo mokṣayiṣyāmi mā śucaḥ

« Abandonne toutes les formes de dharma conventionnel et prends refuge uniquement en Moi seul, Je t’absoudrai de tous les péchés, ne t’en soucie pas ». (BG 18.66)

L’abandon (sharanapatti) est défini dans le Vaishnava Tantra :

ānukūlyasya saṅkalpaḥ prātikūlyasya varjanam 
rakṣiṣyatīti viśvāso goptṛtve varaṇaṁ tathā

« Il y a six symptômes de l’abandon de soi : une ferme résolution d’agir de manière favorable pour Bhagavan, d’abandonner tout ce qui est défavorable à Bhagavan, une ferme conviction que Bhagavan protégera la personne, une acceptation délibérée de Bhagavan en tant que gardien et nourrisseur, la soumission de soi et l’humilité ».

Le sharanapatti est sextuple, étant divisé en l’ensemble (angi) et ses éléments constitutifs (angas). Le quatrième élément, « goptritve varanam », ou « l’acceptation délibérée de Bhagavan comme son gardien », est l’angi, ou « le tout ». La raison en est que le fait de choisir quelqu’un comme gardien ou protecteur constitue le sens véritable du mot « sharanagati », ou « approcher quelqu’un pour prendre son refuge ». Les cinq autres éléments sont des angas, ou « parties », car ils sont des assistants de ce principe.

La résolution d’agir de manière favorable (anukulyasya-sankalpa) signifie faire ce qui est agréable à Bhagavan et à Ses dévots ou adopter une disposition qui nourrit l’humeur d’abandon. Éviter les actes défavorables (pratikulyasya-varjana) signifie rejeter tout ce qui déplaît à Bhagavan et à Ses dévots ou abandonner tout ce qui nuit à la disposition de l’abandon.

Une foi ferme dans la protection de Bhagavan (rakshisyatiti visvasah) est illustrée dans la déclaration suivante :

kṣemaṁ vidhāsyati sa no bhagavāṁs tryadhīśas 
tatrāsmadīya-vimṛśena kiyān ihārthaḥ

« Shri Bhagavan, qui est le maître des trois mondes et des trois gunas de la nature matérielle, agira certainement pour mon bien. À cet égard, je n’ai aucune raison de m’inquiéter ». (SB 3.16.37)

L’abandon de soi (atma-nikshepa) est illustrée dans le Gautamiya Tantra :

kenāpi devena hṛdi sthitena, yathā niyukto’smi tathā karomi

« J’agirai selon les directives de Bhagavan, qui est situé dans mon cœur. » (Gau. Tan. 7.20)

La soumission de soi est également illustrée dans l’« Uttara-khanda » du Padma Purana, en référence à l’explication du mot « namah », « hommage », dans le mantra de huit syllabes :

ahaṅkṛtir ma-kāraḥ syān na-kāras tan-niṣedhakaḥ 
tasmāt tu manasā kṣetri svātantryaṁ pratiṣidhyate 
bhagavat-paratantro’sau tad-āyattātma-jīvanaḥ 
tasmāt sva-sāmarthya vidhiṁ tyajet sarvam aśeṣataḥ 
īśvarasya tu sāmarthyān nālabhyaṁ tasya vidyate 
tasmin nyasta-bharaḥ śete tat-karmaiva samācaret

« Dans le mot “namah”, la syllabe “ma” fait référence au “sentiment du je” séparé (ahankriti), et la syllabe «na» signifie la négation [de ce sentiment] (tan-nisedhaka). Par conséquent, le mot “namaḥ” indique l’abandon conscient par l’être vivant du faux sentiment d’indépendance (svatantrya). L’être vivant dépend de Bhagavan (paratantrya). En effet, l’essence même de son existence est d’être totalement sous la protection de Bhagavan. Ainsi devrait-il abandonner à tous égards le sentiment de sa propre compétence (sva-samarthya), [exprimé] séparément de Bhagavan. Cependant, par l’omnipotence d’Ishvara (samarthya), il n’y a rien d’inaccessible pour une telle personne. Libre de toute anxiété en se réfugiant en Bhagavan, l’on ne devrait agir que pour Sa satisfaction ». (Le Padma Purana 6.226.41-44-46)

Dans le Brahma-vaivarta Purana, il est dit :

ahaṅkāra-nivṛttānāṁ keśavau na hi dūragaḥ 
ahaṅkāra-yutānāṁ hi madhye parvata-rāśayaḥ

« Pour ceux qui sont dépourvus d’ego, Shri Keshava n’est pas du tout distant. Mais, pour ceux qui sont pleins d’ego, des chaînes de montagnes se dressent entre eux et Bhagavan ».

Ainsi, dans les prières de Brahma dans le troisième chant du Shrimad Bhagavatam, nous entendons parler de l’asservissement à la matière de ceux qui sont fiers de leur faux sentiment d’indépendance :

« Ô Bhagavan, aussi longtemps que les êtres vivants se considèrent comme étant séparés de Toi à cause de l’influence de la puissance trompeuse qui les attire vers la jouissance des sens matériels, ils ne peuvent se libérer de cette existence matérielle même si elle est essentiellement irréelle et génère des résultats temporaires, qui en fin de compte ne conduisent qu’à la misère ». (SB 3.9.9)

L’humilité (karpanya) est illustrée comme suit :

parama kāruṇiko na bhavat paraḥ
parama śocyatamo na ca mat paraḥ

« Ô Bhagavan, il n’y a personne de plus miséricordieux que Toi et personne de plus déplorable que moi ». (Le Padyavali 66)

Le fait d’ccepter Bhagavan comme son gardien (goptritve varanam) est illustré dans le Nrishimha Purana :

tvāṁ prapanno’smi śaraṇaṁ deva-devaṁ janārdanam
iti yaḥ śaraṇaṁ prāptas taṁ kleśād uddharāmy aham

« Lorsqu’une personne prend refuge auprès de Moi en disant : “Ô Dieu des dieux, ô Janardana, je m’abandonne à Toi”, Je la délivre de toutes les misères ». (Le Nrishimha Purana 8.29)

Cette acceptation de Bhagavan en tant que gardien est mise en œuvre de trois manières : avec le corps, l’esprit et la parole. Cela est exprimé dans le Brahma Purana :

karmaṇā manasā vācā ye’cyutaṁ śaraṇaṁ gatāḥ 
na samartho yamas teṣāṁ te mukti-phala bhāginaḥ

« Même le seigneur de la mort, Yamaraja, est incapable de punir ceux qui ont pris refuge auprès de Bhagavan Acyuta avec leurs actions, leurs esprits et leurs paroles car ils sont devenus éligibles pour goûter le fruit de la libération ». (Le Brahma Purana 216.84)

L’acceptation de Bhagavan comme son gardien avec le corps, l’esprit et la parole est expliquée dans le Hari-bhakti-vilasa :

tavāsmīti vadan vācā tathaiva manasā vidan 
tat-sthānam āśritas tanvā modate śaraṇāgataḥ

« Celui qui s’est abandonné à Bhagavan, qui s’exclame : “Ô Bhagavan, je suis à Toi !”, qui adopte vraiment cette attitude dans son esprit et son cœur, et qui avec son corps se réfugie dans les lieux saints associés aux divertissements de Bhagavan, éprouve une grande satisfaction intérieure ». (VHB 11.677)

Ceux dont l’abandon (sharanapatti) est complet dans chaque membre (anga) ainsi décrit atteindront rapidement la pleine réalisation de leur abandon. Cependant, d’autres dont l’abandon n’est pas complet mais qui est déficient à certains égards, atteindront un résultat conforme à leur degré réel d’abandon. Cela doit être compris.

Uddhava a glorifié ce sharanapatti dans la déclaration suivante :

tāpa-trayeṇābhihatasya ghore santapyamānasya bhavādhvanīśa 
paśyāmi nānyac charaṇaṁ tavāṅghri-dvandvātapatrād amṛtābhivarṣāt

« Ô Bhagavan, pour ceux dont les cœurs sont brûlés par les triples misères sur le chemin flamboyant de l’existence matérielle, je ne vois d’autre refuge que l’ombre rafraîchissante de Tes pieds de lotus, qui sont comme un parasol émettant une délicieuse pluie de nectar ». (SB 11.19.9)

Dans ce verset, Uddhava déclare que les pieds de lotus de Krishna dissipent toutes les misères de ceux qui se mettent sous sa protection et qu’ils comblent sans restriction ces personnes du nectar de leur douceur.

Commentaire de Babaji Satyanarayana Dasa

Shri Jiva Gosvami décrit les différentes divisions de la vaidhi-bhakti, la plus importante étant l’abandon (sharanapatti). L’abandon ici signifie se mettre sous la protection de Bhagavan. Dans le monde matériel, tout le monde a un certain sentiment de l’ego indépendant, bien qu’en vérité personne ne soit indépendant. Tout le monde est enfermé dans un ensemble du corps et de l’esprit lequel est constitué de nature matérielle. Cette nature matérielle appartient à Bhagavan et nous n’avons aucun contrôle sur elle. Si nous analysons notre propre vie, nous arriverons à la conclusion que nous ne sommes pas indépendants. Nous n’avions pas le choix en ce qui concerne notre naissance. Nous n’avons pas choisi l’heure et le lieu de notre naissance, nos parents, notre sexe, nos traits physiques ou nos capacités, et nous n’avons aucun contrôle sur notre mort. Nous pouvons mourir à n’importe quel moment, n’importe où, dans n’importe quelle situation. Logiquement, il est soutenu que ce qui est sans existence à la fois au début et à la fin est également inexistant au milieu. De ce fait, si nous n’avons pas eu le choix en ce qui concerne notre début et aucun choix en ce qui concerne notre fin, comment pouvons-nous dire que le choix existe vraiment au milieu ?

En tant que bébés, nous n’avons pas beaucoup de liberté, et lorsque nous devenons trop vieux, nos mouvements et nos facultés mentales deviennent limités. Jeunes, nous pensons que nous sommes libres d’agir, mais ce n’est pas vrai non plus. Nous ne pouvons pas nous endormir au moment où nous le voulons. Nous mangeons de la nourriture, mais nous n’avons vraiment aucun contrôle sur notre digestion. Nous pouvons devenir paralysés à tout moment. Nous n’avons aucun contrôle sur nos fonctions respiratoires ou cardiaques et sans elles, nous ne pouvons pas vivre plus de quelques minutes. Pourtant, à cause de l’ignorance qui donne lieu à l’égoïsme, nous nous imaginons être indépendants, comme l’affirme Krishna dans la déclaration suivante :

prakṛteḥ kriyamāṇāni guṇaiḥ karmāṇi sarvaśaḥ
ahaṁkāra-vimūḍhātmā kartāham iti manyate

« Toutes les actions sont conduites par les sens qui sont constitués des gunas de la prakriti. Pourtant, la personne dont l’esprit est trompé par l’identification égoïste pense : “Je suis l’auteur [de mes actes]” ». (BG 3.27)

C’est la cause du prithag-bhava, « le sentiment du soi séparé », évoqué dans les anucchedas précédents (231-233). Le sentiment de l’action indépendante est d’autant plus important à l’heure actuelle, lorsque toute l’éducation des enfants vise à les faire penser de manière indépendante et égoïste. Les orateurs promotionnels sont également experts pour exciter l’ego et nous faire croire que notre destin est entièrement entre nos mains, qu’il n’y a pas d’autre pouvoir au-delà de notre propre esprit et de notre propre volonté. Ce sont toutes des idées tournées contre la dévotion qui prolifèrent facilement car elles sont très apaisantes pour notre ego. Par conséquent, si nous cherchons à connaître Bhagavan, la première chose que nous devons faire est d’abandonner cette fausse idée d’indépendance.

Selon Shri Rupa Gosvami, l’acte d’abandon est effectué en relation avec le guru du pratiquant. Ce guru qui est la manifestation physique de Bhagavan (BRS 1.2.74). Cela est également dit par le sage Prabuddha au roi Nimi (SB 11.3.21). L’abandon est une menace sérieuse pour l’ego car le fondement même de son existence est la condition du non-abandon. Par conséquent, si nous ne nous abandonnons pas à un guru vivant, il n’y aura aucune certitude d’être réellement abandonné à Bhagavan.

L’esprit est matériel et il fonctionne à partir des samskaras passés qui sont liés au non-abandon. Notre intelligence est influencée par l’esprit matériel et elle rationalise de ce fait les actes du non-abandon pour les faire apparaître comme un abandon. Ainsi, sans les conseils d’un guru qualifié, nous ne pourrons pas connaître la vérité sur la notion de l’abandon, c’est-à-dire que nous ne sommes pas vraiment abandonnés à Bhagavan. Bhagavan n’est pas physiquement présent, comme Krishna l’était face à Arjuna, pour nous dire que nous rationalisons nos actes égoïstes pour les concevoir comme de véritables actes d’abandon. C’est au guru de le faire. Ainsi, traditionnellement l’étudiant vivait avec son guru afin d’être guidé directement par lui. Le guru est le test décisif de notre abandon.

Nous devons prendre conscience de nos six ennemis sous forme de convoitise, de colère, d’avidité, d’illusion, d’orgueil et d’envie. La convoitise, kama, est la cause première de tous les autres ennemis. Lorsqu’il y a une obstruction à l’accomplissement de la convoitise d’une personne, cette dernière se met en colère. Si la convoitise est satisfaite, la personne devient avide. De plus, la colère et l’avidité aboutissent à l’illusion, laquelle empêche de voir les choses telles qu’elles sont. Cela conduit à l’orgueil, lequel culmine à l’envie car une personne orgueilleuse ne peut pas tolérer les succès de quelqu’un autre. Dans le monde matériel, les êtres conditionnés sont tourmentés par ces six ennemis. Généralement, les gens pensent que les ennemis n’existent qu’à l’extérieur, mais les vrais ennemis sont à l’intérieur. Même ceux qui désirent la bhakti mais qui ne l’ont pas encore atteinte sont confrontés à ces ennemis. La solution est de s’abandonner à Bhagavan.

Shri Jiva Gosvami explique que l’abandon peut être entrepris de deux manières. La première se produit lorsqu’une personne qui a tout essayé mais n’a pas réussi à résoudre les problèmes de la vie matérielle s’abandonne finalement à Bhagavan. Un exemple de ce type d’abandon est Gajendra (lit., « chef des éléphants »), dont la jambe a été attrapée par un crocodile. Il a d’abord essayé de se libérer par sa propre force, puis il a fait appel aux membres de sa famille pour obtenir de l’aide, mais il n’y a toujours pas réussi. Finalement, il a laissé tomber ses tentatives et s’est simplement abandonné à Bhagavan.

Cette histoire fait également allusion au sort des êtres conditionnés. Le mot « gaja », qui signifie « un éléphant », est dérivé de la racine √gaj, qui signifie « être intoxiqué ». Ainsi, un être humain conditionné est aussi un gaja car il est intoxiqué par l’ignorance et pris dans les griffes de la maya. Il lutte pour se libérer afin de se sentir libre, mais tous les efforts qu’il fait à cet égard ne servent qu’à l’emprisonner davantage. Les amis et les parents, auxquels il demande de l’aide, ne peuvent pas le délivrer car eux-mêmes sont également pris dans les griffes de la maya. Par voie de conséquence, la lutte continue jusqu’à ce que, comme Gajendra, nous prenions refuge auprès de Bhagavan, le maître de la maya.

Le deuxième type d’abandon se produit lorsque quelqu’un qui, par ignorance, s’était auparavant abandonné à une autre cause ou personne et qui réalise plus tard son erreur et s’abandonne à Bhagavan. Un exemple de cela est vu dans l’histoire des brahmanas de Mathura qui se sont d’abord abandonnés au varnashrama-dharma mais plus tard se sont tournés vers Krishna.

Le sharanagati a six divisions constituées du tout (angi) et de ses parties (angas). Dans le verset cité du Vaishnava Tantra, le quatrième élément, à savoir accepter Bhagavan comme son protecteur (goptritve varanam), est la caractéristique intrinsèque de l’abandon, et les cinq autres sont ses résultats naturels. Par conséquent, Shri Jiva Gosvami choisit cet élément comme le noyau de l’abandon et les éléments restants comme ses parties. Les deux premières parties de l’abandon sont liées non seulement à Bhagavan mais aussi à Ses dévots. Cela signifie qu’un pratiquant abandonné agit de manière favorable envers les autres dévots et jamais d’une manière défavorable. Il y a une différence subtile entre le troisième et le quatrième éléments : dans le troisième (raksisyatiti visvasa), la personne a la foi que Bhagavan la protégera, mais dans le quatrième, la personne appelle consciemment à l’aide, comme l’a fait Gajendra, ou comme Draupadi qui a appelé Krishna lorsqu’elle était déshabillée par Duhshasana dans l’assemblée des Kauravas.

Il y a aussi une différence subtile entre le quatrième et le cinquième éléments. Le quatrième implique de dépendre de Bhagavan pour être protégé, ce qui signifie faire appel à Lui dans une situation précaire. Le cinquième élément (atma-nikshepa) implique de s’abstenir de faire quoi que ce soit pour soi et de se considérer comme entièrement dépendant de Bhagavan, tel un animal qui a été acheté par quelqu’un et qui dépend entièrement de son nouveau propriétaire pour sa survie.

Caitanya Mahaprabhu et Sanatana Gosvami


Le dernier élément, l’humilité (karpanya), signifie se considérer comme complètement insignifiant devant Bhagavan. Cette qualité a été vue chez Sanatana Gosvami dans ses relations avec Shri Chaitanya Mahaprabhu. Lorsque Caitanya Mahaprabhu a appelé Sanatana Gosvami lors de la visite de ce dernier à Puri, Sanatana n’a pas emprunté la courte route qui passait par le temple de Puri car il se considérait comme un être déchu et pensait qu’il pourrait contaminer les pujaris du temple en étant dans leur proximité. Au lieu de cela, il a pris la longue route, marchant sur le sable brûlant de midi sur la plage de l’océan Indien. Mahaprabhu a été particulièrement touché par son humilité. Shri Jiva Gosvami écrit que le fruit de l’abandon est atteint proportionnellement au degré réel de l’abandon. La réalisation complète n’est de ce fait possible que par un abandon complet. Dans l’anuccheda suivant, Shri Jiva Gosvami explique qu’après s’être abandonné à son guru, le pratiquant doit le servir.

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