La notion de maya selon la philosophie Vaishnava

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Le Seigneur a deux types d’énergie : para et apara. Para signifie « lointain », « au-delà », « supérieur », etc. Cette énergie est appelée para car elle est supérieure ou se trouve au-delà de l’énergie matérielle. L’autre énergie est appelée apara, c’est-à-dire « proche » ou « inférieure ».

D’après le Bhagavat Sandarbha de Shrila Jiva Gosvami

Par Satyanarayana Das Babaji

Le Seigneur a deux types d’énergie : para et apara. Para signifie « lointain », « au-delà », « supérieur », etc. Cette énergie est appelée para car elle est supérieure ou se trouve au-delà de l’énergie matérielle. L’autre énergie est appelée apara, c’est-à-dire « proche » ou « inférieure ». Dans la Bhagavad Gita, Krishna déclare que les êtres vivants peuvent être considérés comme para, en raison de leur nature consciente :

« Cette énergie distincte constituée de huit éléments (la nature matérielle) est appelée apara, mais, différente de celle-là, est mon énergie para, appelée jiva (l’être vivant) ; le monde est soutenu par elle, ô Arjuna aux bras puissants ». (Gita 7.5)

Dans le Shri Bhagavat Sandarbha, Shrila Jiva Gosvami décrit ces énergies en détail. Pour comprendre l’énergie para, il parle d’abord de l’énergie apara car elle est plus facile à comprendre. C’est ce qu’on appelle candra-sakha-nyaya ou « le principe de la branche-lune » par lequel le développement d’un argument plus complexe est précédé d’une explication d’un point plus facile, tout comme on pourrait d’abord montrer la branche d’un arbre pour montrer à quelqu’un où se trouve la lune.

Pour définir l’énergie apara, ou l’énergie externe, Shrila Jiva Gosvami cite l’un des quatre versets clefs (catuh-sloki) du Shrimad Bhagavatam que le Seigneur Krishna a énoncés à Brahma à l’aube de la création. Dans ce verset, le Seigneur définit Son énergie externe, la maya. Le terme maya a différentes significations, telles que « faux », « tricherie », « illusion », « compassion », « pouvoir », « sagesse », « enchevêtrement », « déesse de la fortune », « magie », etc. Krishna l’utilise ici au sens de l’énergie qui provoque la confusion, l’énergie externe.

Selon ce verset, les caractéristiques fondamentales de maya sont les suivantes :

  1. Maya n’existe pas dans le Seigneur.
  2. Maya n’existe pas sans le Seigneur.
  3. Maya existe en dehors du Seigneur.
  4. Maya est perçue quand le Seigneur n’est pas perçu.

Un doute peut être soulevé à l’égard de cette définition. Un être vivant conditionné possède également les caractéristiques mentionnées ci-dessus. Ainsi cette définition a-t-elle le défaut d’être trop générale. Pour éviter cela, Shrila Jiva Gosvami dit que le jiva est conscient et est considéré comme faisant partie de la même catégorie que le Seigneur. De plus, la définition donnée ci-dessus devrait inclure les caractéristiques de jiva-maya et de guna-maya, indiquées dans le verset. Maya ne fait pas partie de la para-shakti. Cela implique également qu’elle ne fait pas partie intégrante du svarupa du jiva, ou de la nature de l’être vivant, et c’est une bonne nouvelle. Si la maya faisait partie du jiva, il ne serait pas question de s’en libérer.

Cette explication de maya défie la vision moniste. Les monistes disent que maya n’est ni sat (réelle), ni asat (illusoire), ni une combinaison des deux. Elle est différente des deux et n’est pourtant pas inexistante. Ainsi, elle est inexplicable, ou anirvacaniya, et s’oppose à la connaissance. Shankaracarya décrit maya comme suit :

« Maya n’est ni sat ni asat, ni une combinaison de sat et asat. Elle n’est ni différente du Brahman, ni un avec lui, et elle n’est pas non plus différente du Brahman et un avec lui en même temps. Elle n’a pas de parties ou de divisions, elle n’en est pas dépourvue non plus et n’est pas une combinaison de ces deux conditions. Maya est la plus étonnante et inexplicable ». (Le Viveka-cudamani 111)

La raison d’une telle explication est due au fait que les non-dualistes radicaux n’acceptent pas les puissances du Brahman. Cependant, Shrila Jiva Gosvami affirme que l’Absolu possède des puissances inconcevables qui se manifestent de multiples façons. C’est un fait simple, mais sans le reconnaître, la Réalité Absolue ne peut pas être comprise. Comme les Advaita-vadis ne peuvent pas accepter cela, ils sont obligés de fabriquer des définitions compliquées. Au lieu d’accepter un pouvoir inconcevable (acintya-shakti), ils sont forcés d’accepter un pouvoir qui défie tout simplement la description (anirvacaniya maya), ce qui est un moyen pratique de ne pas avoir à en tenir compte de manière adéquate. Cette stratégie de leur part est en elle-même inconcevable.

Les Advaita-vadis proposent également qu’Ishvara et le jiva soient des produits de maya et qu’au niveau absolu, il n’y a que le Brahman sans forme et dépourvu de toute qualité. Cependant, la Personne Absolue, Shri Krishna, n’est pas d’accord avec de telles idées. Au contraire, Il déclare que la maya est Son énergie et qu’elle est sans commencement (SB 11.11.3). Le Seigneur Brahma le confirme également dans le second chant du Srimad Bhagavatam : « Le Seigneur est le soutien des deux caractéristiques de maya : vidya et avidya » (SB 2.6.20).

L’existence d’une entité qui peut pousser le Brahman à se transformer en Ishvara et en jiva est impossible et même inconcevable. Nous ne pouvons pas inventer une nouvelle catégorie qui soit différente de l’existence et de la non-existence (sat et asat). Krishna Lui-même déclare dans la Bhagavad Gita qu’il y a soit sat, soit asat, il n’y a pas de troisième catégorie, comme le prétendent les monistes :

« L’irréel (asat) n’a pas d’existence et le réel (sat) n’a pas d’inexistence. La conclusion à propos de ces deux éléments a été perçue par les connaisseurs de la Vérité ». (Gita 2.16)

Cette définition de maya invalide également la philosophie Shakta. Les Shaktas considèrent Shakti, ou Devi qui a diverses formes, comme étant le contrôleur suprême. Elle est la mula prakriti, la nature originelle, et se divise en purusha et en prakriti. Elle est maha-maya qui crée d’elle-même Vishnu, Shiva et Brahma, et qui leur permet d’accomplir leurs tâches respectives. Dans sa caractéristique ultime, elle est nirguna et est appelée para-brahman. Il existe différentes branches de Shaktas qui ont différents types de pratiques pour atteindre leur objectif.

Toutefois, le Shrmad Bhagavatam indique clairement que maya ne peut exister sans le soutien du Seigneur Krishna. Elle ne peut même pas Lui faire face (SB 2.7.47). Dans la Bhagavad Gita, Krishna dit : « Maya est Mon énergie matérielle divine » (7.14). Puisque la Bhagavad Gita est acceptée même par les Shankaraïtes comme un texte faisant autorité, la revendication des Shaktas n’est certainement pas soutenue par le prasthana-trayi, les trois sources d’autorité scripturaire, qui sont acceptées par tous les philosophes védiques.

Shrila Jiva Gosvami dit que maya peut être subdivisée en deux catégories selon ses fonctions. La première est appelée jiva-maya : la caractéristique de maya qui recouvre la véritable nature de l’être vivant, ou son svarupa. Il utilise également le terme nimittamsha, « aspect efficient ou instrumental », pour désigner cette subdivision car elle sert d’instrument pour recouvrir d’ignorance l’être vivant. Mais elle ne suffit pas à elle seule pour recouvrir la conscience ou la nature de l’être vivant. Pour parfaire l’asservissement de l’âme à la matière, elle doit également fournir un corps matériel, les sens et les objets des sens pour le plaisir du jiva. C’est ce qu’on appelle guna-maya car tout cet attirail est une transformation des gunas de maya.

La caractéristique guna-maya est aussi appelée upadana ou l’aspect matériel, car elle fournit les ingrédients matériels. Tout comme lorsqu’un homme va dans une boîte de nuit, il s’enivre d’abord, ce qui couvre son intelligence (comme jiva-maya), puis il se laisse séduire par les objets des sens, comme une jeune femme (comparable à guna-maya), ce qui rend son illusion complète. De cette façon, l’attaque de maya est double : interne et externe. Les deux caractéristiques se complètent et se renforcent mutuellement. Ainsi, il est impossible pour une âme conditionnée de sortir des griffes de maya sans l’aide d’une personne qui se situe au-delà des gunas.

Bien que maya soit réelle et que ce monde manifesté par elle soit également réel, la bonne nouvelle est que l’asservissement du jiva à la matière n’est pas réel. Sinon, il n’y aurait aucune possibilité de s’en libérer.

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