La cause fondamentale des anarthas sur le chemin de la bhakti

Qu’est-ce qu’un anartha dans le processus de la bhakti ?

Question : Qu’est-ce qu’un anartha dans le processus de la bhakti ?

Réponse : Le mot « anartha » est une négation du mot artha. Il s’agit d’un mot composé de nan et artha, appelé nan samāsa. Ce composé signifie littéralement « quelque chose qui n’est pas un artha ».

En général, une négation peut exprimer six notions différentes :

  • similitude,
  • absence,
  • différence,
  • partielle existence,
  • caractère négatif,
  • opposition.

Ainsi, le mot « anartha » peut désigner quelque chose qui ressemble à un artha, qui en est l’absence, qui en est différent, qui en constitue une partie, qui est mauvais ou qui lui est opposé.

Par conséquent, pour comprendre le mot anartha, il est essentiel de saisir d’abord la signification de artha. Littéralement, artha désigne « ce que l’on désire acquérir », c’est-à-dire un objectif ou le but d’une action. Dans le contexte de la bhakti, il s’agit du prema ou de l’uttama-bhakti. Artha est également appelé prayojana, ce qui désigne ce que nous n’avons pas encore mais que nous aspirons à atteindre.

Pour y parvenir, il est nécessaire d’accomplir des actions favorables et d’éviter celles qui sont défavorables. Tout ce qui constitue un obstacle à notre objectif (artha) est appelé anartha.

Ce que nous n’avons pas, c’est la bhakti. Nous devons être clairs sur ce point : si nous pensons la posséder déjà, alors cela constitue également un anartha. Si nous l’avions réellement, nous serions extrêmement chanceux, et la question de l’anartha ne se poserait même pas. Or, puisque cette question est soulevée, cela implique naturellement que nous sommes dépourvus de bhakti ou de prema.

La caractéristique essentielle de la bhakti, svarūpa-lakṣaṇa, est définie par Śrī Rūpa Gosvāmī comme suit : ānukūlyena kṛṣṇānu-śīlanam — agir avec son corps, son esprit et sa parole pour la satisfaction de Krishna et de tout ce qui lui est lié. C’est cela l’artha. Tout le reste est un anartha. Tout ce qui ne soutient pas l’artha en est un.

Par exemple, si nous travaillons uniquement pour l’entretien du corps et des choses qui s’y rattachent, alors c’est un anartha : nous œuvrons pour quelque chose qui ne nous appartient même pas. De plus, à chaque instant, cet objectif s’éloigne de nous, et un jour, il nous sera définitivement retiré, même si nous ne faisons rien.

Nous effectuons un voyage dans l’espace et dans le temps, même lorsque nous restons inactifs. Nous tournons en rond, car nous roulons avec la planète Terre. C’est ce que l’on appelle le saṃsāra, le cycle des naissances et des morts. Ainsi, ne pas agir constitue également un anartha. C’est ce que l’on nomme akarmaṇi karma (Bhagavad-Gītā 4.18), c’est-à-dire s’engager dans le karma tout en étant inactif.

Notre tendance naturelle est de travailler pour la satisfaction du corps, d’un morceau de terre, et des choses ou des êtres qui y sont attachés. C’est là l’anartha fondamental, dont nous sommes imprégnés dès la naissance : il est appelé anādi avidyā. Cependant, si nous engageons le corps dans des activités de dévotion, alors son entretien ne relève plus de l’anartha. Śrī Krishna qualifie cela de sagesse suprême (Le Śrīmad Bhāgavata 11.29.22).

 

Sur le chemin de la bhakti, l’anartha peut être déraciné en prenant refuge auprès d’un guru qualifié (guru-pādāśraya). Selon Śrī Rūpa Gosvāmī, il s’agit de la première étape de la bhakti. S’abandonner au guru, c’est précisément se défaire de cet anartha, qui nous accompagne depuis notre naissance même. Mais l’abandon n’est pas chose aisée. Il est extrêmement difficile, car nous n’avons pas l’habitude de nous abandonner. Notre esprit et notre intelligence se rebellent même contre cette idée. Ils veulent rester libres afin de pouvoir s’adonner à l’anartha, leur compagnon de toujours, qu’ils confondent avec l’artha.

Si nous ne faisons pas un effort conscient, nous ignorons même si nous nous éloignons de l’anartha ou si nous nous en rapprochons. C’est pourquoi cette prise de conscience est essentielle. Si nous parvenons à nous abandonner, alors l’anartha disparaîtra. Cela signifie qu’au lieu de suivre nos propres désirs, nous suivons ceux du guru et de Krishna. Les anarthas étant liés au corps, leur emprise s’efface dès lors que cette identification disparaît. Mais ce détachement est difficile. Il constitue une attaque directe contre notre existence et notre identité — un acte que nous devons accomplir nous-mêmes. C’est comme si nous nous immolions ou brûlions notre propre maison avec joie. Détruire notre identité, c’est la transformer : au lieu de nous considérer comme des jouisseurs indépendants, nous devons nous reconnaître comme des serviteurs de Krishna. Or, cette conversion ne relève pas d’une simple superposition — elle correspond à notre véritable nature. C’est le passage des ténèbres à la lumière (tamaso mā jyotir gamaya).

Nous vivons dans l’illusion depuis si longtemps que nous ne voulons plus changer. Le mensonge nous est devenu familier. Notre esprit se sent à l’aise avec ce qu’il connaît et redoute l’inconnu. Il s’accroche donc à l’illusion, et c’est pourquoi nous répugnons à l’abandon. Pourtant, l’abandon est l’apanage des courageux. Beaucoup pensent qu’il est un signe de faiblesse. Cela peut être vrai dans les activités matérielles, mais non sur le chemin de la bhakti. Arjuna n’était pas un homme faible : il était héroïque. Il s’est abandonné et a dit : « Je ferai ce que Tu me dis » (La Bhagavad Gītā 18.73). Cet abandon ne l’a pas affaibli. C’est avant de se livrer qu’il se sentait faible et découragé.

Bien que toute souffrance émane du corps, nous l’aimons pourtant et lui restons soumis, quelle que soit la douleur qu’il nous inflige. Cet abandon naturel ne repose sur aucune injonction (vidhi). C’est une forme de rāga-bhakti vouée au corps. Il nous faut nous détacher de cet attachement au corps. Il n’est pas possible d’aimer à la fois le corps et Krishna. Si nous pouvions ne serait-ce que consacrer une fraction du temps que nous accordons à notre corps au service de Krishna, alors notre vie serait une réussite.

Ainsi, l’attachement au corps constitue l’anartha fondamental. À l’heure actuelle, notre corps, qui inclut l’esprit, est notre guru. Mais Krishna nous demande de changer de guru. Si nous pouvons transférer notre abandon vers un autre objet, alors l’anartha disparaîtra. C’est cela l’uttamā-bhakti.

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    — Babaji Satyanarayana Dasa
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