Le sixième verset spécifie que la cause de l’union de l’ātmā avec la prakṛti se trouve dans sa propre inclination et son attachement pour elle (parābhidhyānena).
Le sixième verset spécifie que la cause de l’union de l’ātmā avec la prakṛti se trouve dans sa propre inclination et son attachement pour elle (parābhidhyānena). Le verset actuel fait allusion à cela en affirmant que l’ātmā perçoit (abhyapadyata) les qualités envoûtantes de la prakṛti, et se trouve ainsi incliné et attiré vers elle. Le Seigneur Kapila explique que la prakṛti est divine (daivī) et qu’elle peut, en conséquence, remplir son rôle dans le jeu divin du Seigneur (līlā) en répondant à l’inclination de l’ātmā et en s’en approchant pour l’union, de manière apparemment fortuite (yadṛcchayā). De ce fait, il convient de comprendre que la relation entre l’ātmā et la prakṛti n’est ni intrinsèque ni permanente.
Cela contredit la doctrine de l’advaita-vāda. Selon les adeptes de cette école, la prakṛti possède deux fonctions : āvaraṇa et vikṣepa. Par āvaraṇa, la prakṛti voile la connaissance véritable ; par vikṣepa, elle induit une connaissance erronée. Ils affirment également que le puruṣa est de deux sortes : jīva et Īśvara, qui sont tous deux des produits de māyā. Celle-ci se divise en deux aspects : vidyā et avidyā. Lorsque le Brahman est conditionné par la vidyā, de ce conditionnement provient Īśvara. En revanche, lorsque le Brahman est conditionné par l’avidyā, ce sont les jīvas qui en émergent. Īśvara est un puruṣa qui contrôle la prakṛti et qui participe aux activités de création, de préservation et de dissolution de l’univers. Le jīva est un puruṣa lié par la prakṛti en raison de son incapacité à discerner la distinction entre lui-même et la prakṛti. Selon eux, ce verset explique comment le puruṣa perd sa capacité de discernement et devient enchaîné par la force d’āvaraṇa de la prakṛti.
Une telle interprétation est inadéquate, car il est impossible que le puruṣa, qui est auto-lumineux et éternellement libre de toute ignorance, puisse manquer de discernement à l’égard de la prakṛti.
Les adeptes de l’advaita-vāda rétorquent que le puruṣa choisit délibérément de tomber dans cette illusion dans le cadre du līlā, afin de remplir les fonctions de création.
Pour exprimer notre désaccord, nous posons la question suivante : « Voulez-vous vraiment affirmer qu’un līlā est la cause de l’illusion ? » Si tel est le cas, c’est une proposition inacceptable, car le terme « līlā » (littéralement « jeu » ou « divertissement ») ne peut en aucun cas être à l’origine de l’illusion ou du mécontentement. Aucune personne saine d’esprit ne s’engage dans une activité ludique dans le but de souffrir ou de se désorienter. De plus, cette opinion n’est pas soutenue par les śāstras, qui déclarent : eko bahu syām — « Je [le Seigneur] désire devenir multiple ». Le Seigneur manifeste la création par Sa volonté, et l’illusion ne peut en être la conséquence, car aucune entité vivante ne souhaite intentionnellement tomber dans l’égarement.
Ils pourraient rétorquer : « Il ne savait pas que l’illusion s’ensuivrait ». Cela serait absurde, car le Seigneur est omniscient.
Ils pourraient dire : « Il n’est pas omniscient ». Or, cette hypothèse contredirait directement les enseignements védiques.
Ils pourraient suggérer : « Il crée l’univers afin de Se libérer de Son ignorance en acquérant le discernement ». Cela n’est pas acceptable non plus. Comment une telle action pourrait-elle être qualifiée de līlā ? Personne ne contracte délibérément une maladie grave simplement afin de s’amuser en suivant un traitement médical.
Ils pourraient dire : « Le līlā n’est pas la cause de l’illusion, mais son effet ». Cette idée est également en contradiction avec les śāstras, qui décrivent la cause du līlā comme étant la volonté du Seigneur de devenir multiple.
Ils pourraient alors dire : « Cette volonté elle-même est une illusion ». Si cela était vrai, comment pourrait-elle alors donner naissance à un līlā (une activité joyeuse) ?
S’ils reconnaissent que la volonté du Seigneur de devenir multiple n’est pas une illusion, elle ne peut en aucun cas être la cause de l’illusion. Ce qui est réel et exempt d’illusion ne peut pas être l’effet de ce qui est illusoire.
Ils pourraient enfin dire : « Un līlā est également une illusion. C’est une simple illusion que l’Un devienne multiple, tout comme l’illusion de voir deux lunes lorsque vous exercez une pression sur votre œil avec votre doigt ». Nous réfutons cette hypothèse, car elle impliquerait que toute la création, tout ce qui existe, serait une illusion. Aucun érudit ne pourrait soutenir l’idée que le monde entier n’est qu’une illusion.
Les advaita-vādīs pourraient soulever un autre argument : « Le Seigneur demeure libre de toute illusion, mais trompe les autres dans le cadre de Son līlā ». Cependant, il est évident qu’aucune personne vertueuse n’éprouve du plaisir face à la souffrance d’autrui. En outre, puisque le Brahman ne peut être trompé, Il doit être pleinement conscient de Sa non différence d’avec les jīvas. Dans cette optique, l’idée qu’Il se laisserait tromper en projetant un jīva dans l’illusion s’avère incohérente et contre-productive.
De plus, si nous acceptons que tout, à l’exception du Brahman originel, est une illusion, le Brahman, étant omniscient et incontestable, saurait que toutes les autres entités et toutes les formes de réalité sont irréelles. Par conséquent, la jouissance d’un līlā serait impossible, car un līlā exige une diversité réelle. C’est précisément pour cette raison que le Brahman, s’Il est sans qualité (nirviśeṣa), ne pourrait jouir d’aucun līlā.
La conclusion correcte est que le Seigneur est exempt de toutes les qualités inférieures et incarne un océan de qualités merveilleuses. Il utilise la māyā comme un instrument dans le cadre de Son līlā. Cette māyā contrôle les êtres vivants (jīvas), qui sont sans commencement et qui sont distincts du Seigneur. La relation entre le Seigneur et les jīvas est semblable à celle qu’a l’ātmā avec le corps. Le Seigneur Se livre aux actes de création universelle, etc., comme un divertissement, dans le but de libérer les jīvas.
Ainsi, le līlā du Seigneur n’est ni une cause d’illusion, ni un effet de cette dernière, ni une illusion en soi. Tel est la signification du verset.
L’explication ci-dessus a été donnée en appliquant les termes « līlayā » et « yadṛcchayā » au Seigneur. Cependant, il est également possible de combiner ces deux termes avec les termes « upāgatam » (« celui qui s’est approché ») « abhyapadyata » (« accepté »). Dans cette interprétation, les mots « līlayā » « yadṛcchayā » sont à l’instrumental, généralement utilisé pour indiquer la cause, mais ici ils sont employés au sens de résultat ou d’accomplissement. Ce n’est pas un usage rare de l’accusatif. Un exemple commun est « adhyayanena vasati » (« il vit pour étudier »). Dans cet exemple, le troisième cas dans « adhyayanena » ne sert pas à exprimer l’instrumentalité, mais à indiquer le résultat du fait qu’il vit en un lieu particulier. De la même manière, le mot « līlayā » signifie ici le résultat du fait que le jīva a accepté la prakṛti. Dans cette interprétation alternative, la signification devient : « Le jīva a atteint la prakṛti, qui s’est approchée de lui par la volonté du Seigneur, et ainsi un līlā émerge, dans lequel le Seigneur sauve le jīva de la confusion. »
Dans la première explication, le līlā était la cause de la création, tandis que dans la seconde, le līlā en est le résultat.
Verset cinq :
guṇair vicitrāḥ sṛjatīṁ sa-rūpāḥ prakṛtiṁ prajāḥ
vilokya mumuhe sadyaḥ sa iha jñāna-gūhayā« Il devint perplexe et perdit son intelligence à son égard dès l’instant où l’ātmā porta son regard sur la prakṛti. Cette dernière émettait une profusion de qualités merveilleusement attrayantes, incarnées dans une multitude d’objets des sens enchanteurs ».
À la suite du verset précédent, une question se pose : « L’ātmā peut s’approcher de la prakṛti pour s’unir à elle, mais que se passe-t-il ensuite ? En quoi cela concerne-t-il la question qui nous occupe, à savoir si l’ātmā est un agent impliqué dans les activités matérielles ? » Le Seigneur Kapila prononce ce verset afin de répondre à une telle question. Il explique que lorsque l’ātmā s’approche de la prakṛti, le résultat est que sa véritable nature se trouve voilée. Dès lors, il devient désorienté et commence à se percevoir comme l’agent des activités matérielles.
Le verset précédent faisait référence à l’état subtil de la prakṛti. Le verset actuel décrit la manière dont la prakṛti subtile se manifeste sous une forme grossière : ses nombreuses qualités subtiles et merveilleuses se transforment en une diversité d’objets des sens grossiers et tout aussi séduisants. Le terme « vicitrah » suggère que ces objets des sens sont diversifiés, tandis que le mot « sarūpah » indique qu’ils sont tous de nature matérielle.
Le Seigneur Kapila décrit la confusion de l’ātmā comme étant le résultat de sa véritable nature (svarūpa), voilée par la prakṛti. L’être vivant contemple la prakṛti dans son état fonctionnel, en pleine activité créatrice, donnant naissance à sa progéniture (prajā) : une variété d’objets des sens merveilleux, générés par la combinaison de ses qualités (guṇas, telles que sattva, etc.). La conscience, ou connaissance authentique (jñāna), de l’être vivant est alors obscurcie (guhāya) par l’influence enivrante de cette vision de la prakṛti. Ainsi devient-il aussitôt (sādhya) désorienté (mumuhe).
Verset six :
evaṁ parābhidhyānena kartṛtvaṁ prakṛteḥ pumān
karmasu kriyamāṇeṣu guṇair ātmāni manyate« La prakṛti est l’entité qui accomplit les activités matérielles, mais l’ātmā pense que les actes réalisés par les guṇas de la prakṛti sont ses propres actions, car il absorbe totalement son identité dans celle-ci ».
Le terme « evam » (« de cette manière ») renvoie à l’état de l’ātmā, tel que décrit dans les versets précédents, où il a oublié sa véritable nature en raison de son attrait pour la prakṛti. Le mot « parābhidhyānena » (qui signifie « absorption totale de sa concentration dans un être autre que soi ») indique que le soi (pumān) s’identifie entièrement à un autre être, à savoir la prakṛti. Ainsi, il en vient à croire (manyate) que les actes accomplis par les qualités (guṇas) de la prakṛti sont en réalité ses propres actions (ātmani).
La conclusion est que la position de l’ātmā en tant qu’agent d’actions matérielles ne fait pas partie de sa nature inhérente (ātma-svarūpa). Il s’agit, en réalité, d’une simple conception découlant de son identification avec les guṇas de la prakṛti (à savoir sattva, rajas et tamas). Cela signifie que toutes les actions se déroulent dans l’ensemble corps-esprit, constitué de matière, mais que le soi s’y identifie comme si elles étaient accomplies par elle.
En recherchant l’union avec la prakṛti, l’être vivant désire également s’unir à ses produits, et en vient ainsi à associer son identité à un corps matériel particulier. De cette manière, il devient conditionné et lié.
À suivre.
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