Un dialogue sur la théorie de l’évolution

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Dans le Sarva-samvadini, Sri Jiva Gosvami cite Vacaspati Mishra de l’école Bhamati. Vacaspati Mishra analyse la perception sensorielle ordinaire et les contradictions entre la perception sensorielle et les écritures. Il fait valoir que les shastras sont également entendus avec les sens.

Par Satyanarayana Das Babaji

Transcription d’une conversation – Partie 1

Scientifique : Dans le Sarva-samvadini, Shri Jiva Gosvami cite Vacaspati Mishra de l’école Bhamati. Vacaspati Mishra analyse la perception sensorielle ordinaire et les contradictions entre la perception sensorielle et les écritures. Il fait valoir que les shastras sont également entendus avec les sens. Ainsi ne pouvons-nous pas rejeter l’autorité des sens car si nous le faisions, alors les shastras eux-mêmes ne pourraient pas être entendus, ni d’ailleurs les autres choses comme les noms de Krishna, etc. Ainsi, la perception sensorielle a sa valeur. Maintenant, que faisons-nous s’il y a une contradiction entre la perception sensorielle et les écritures ? Il dit que le philosophe n’est pas concerné par une telle perception sensorielle dans ce cas. Il ne dit pas que le philosophe soit obligé de rejeter la perception sensorielle.

Dans ce contexte, attardons-nous sur la version du Bhagavata et sur celle de la théorie de l’évolution. La version du Bhagavata (le sixième chant) dit que Kashyapa Muni engendra plusieurs espèces différentes à travers ses épouses. Kadru donna naissance à des serpents, des reptiles, etc. Vinata, la mère de Garuda, donna naissance à des oiseaux. De la même manière, nous y trouvons toute une liste de créatures engendrées avec d’autres épouses : tigres, animaux à sabots comme les vaches, etc. Kashyapa est un être humain à tous les égards : certaines personnes en Inde appartiennent à la gotra de Kashyapa, ce qui signifie qu’il était leur ancêtre.

Qu’est-ce que l’évolution ? Premièrement, je ne pense pas que l’évolution soit une conspiration pour rejeter la religion, la science n’est pas non plus une question de foi. Je pense que le terme « foi rationnelle » est un argument d’homme de paille. La science n’est pas née d’un système de croyances préexistantes, elle s’est produite plutôt malgré les croyances préexistantes (comme la Bible). Ce n’était pas non plus une réaction à un système de croyances préexistantes. Elle est fondée sur l’observation. Les observations sont bien présentes dans la vie humaine, alors qu’en faites-vous ? Vous ne pouvez pas vous enfuir ou vous en cacher. Newton a observé, puis il a proposé ses lois. Elles étaient fondées sur des observations, et il a proposé une explication mécanique à ses observations. Je vois l’évolution de la même manière.

Il y a des couches dans la croûte terrestre. Dans certains endroits comme les schistes de Burgess, il existe de nombreuses preuves de fossiles dans différentes couches. Les roches ont été datées. Les formes de vie plus anciennes sont très primitives, puis elles deviennent de plus en plus sophistiquées dans les roches plus récentes.

Nous ne pouvons pas expliquer cette preuve (ainsi que tout un tas d’autres types de preuves de l’évolution de la biologie moléculaire, de la biochimie, etc.) avec ce qu’avait fait Kashyapa. Les shastras sont muets sur l’ADN, la datation au carbone, les preuves fossiles, etc. Le mot « évolution » ne se trouve pas dans le Bhagavata. Les gens ont beaucoup d’opinions là-dessus. Je trouve que Darwin a trouvé une belle façon logique de l’expliquer. D’après ce que je sais, personne n’a proposé quoi que ce soit de proche en termes d’explication des preuves. La preuve n’est pas une question de foi, ce qui nous obligerait à faire confiance aux scientifiques. Les preuves sont publiées dans des journaux, lesquels sont disponibles en un clic. Quiconque veut les voir peut y accéder et les examiner. Il y a des dizaines de milliers d’articles publiés et pour vraiment réfuter l’évolution, il faut parcourir tous ces articles puis avoir une autre façon d’expliquer toutes les preuves, ce qui n’est tout simplement pas faisable.

Il n’est pas dans notre expérience qu’un être humain comme Kashyapa puisse engendrer des serpents, des oiseaux ou des tigres. Cette connaissance est au-delà de la perception sensorielle. Je dis que ces deux sont des corpus de connaissances distincts et la communication entre les deux est problématique. Il est problématique de réconcilier les écritures avec l’information scientifique.

Babaji : La manière dont je réconcilie le point de vue du Bhagavata avec ce que vous avez dit est la suivante : le Bhagavata a un langage différent de celui de la science. Il a un public différent de celui de la science et il a un objectif différent. Le but du Bhagavata n’est pas d’expliquer la création sans Dieu. Le Bhagavata n’est pas non plus intéressé à expliquer l’évolution juste pour le plaisir. Son intention est de montrer que Krishna est la source et le régulateur de tout. De ce fait, d’un point de vue scientifique, vous pouvez considérer les épouses telles que Kadru et Vinata comme un moyen d’évolution expérimentale. Le langage des Puranas est différent du langage scientifique. Les personnes à qui les Puranas ont été adressés ne comprendraient pas votre langage scientifique. Par conséquent, il faut trouver d’autres moyens d’explication juste. Les gens peuvent comprendre des histoires. Il leur est plus facile de comprendre comment un mari et une femme donnent naissance à leurs enfants. Ainsi, les gens ont à leur disposition des histoires qui leur expliquent les choses difficiles avec des termes plus simples.

Surya avec Aruna comme son conducteur de char

À présent, nous ne pouvons pas concevoir comment les êtres humains puissent donner naissance à des reptiles, des vaches et des oiseaux. Mais tout comme Darwin dit que ces choses se sont développées ou ont évolué, de la même manière, peut-être, Kashyapa expérimente et évolue. Il accomplit une évolution contrôlée. Ainsi, nous entendons des histoires selon lesquelles Vinata avait donné naissance à deux œufs, mais les œufs étaient restés intacts pendant très très longtemps et rien n’en était sorti. Elle avait cassé un œuf et Aruna était né. Il n’était pas encore complètement développé, ses jambes ne s’étaient pas encore développées. Ainsi, il ne pouvait ni marcher ni voler. Il avait maudit Vinata pour qu’elle devînt l’esclave de sa sœur Kadru. Aruna était devenu le conducteur de char du deva du soleil. Aruna signifie le crépuscule qui précède le lever du soleil. Garuda est né après une très longue période. De ce fait, il s’agit probablement d’un processus évolutif dans un environnement contrôlé.

En réalité, j’ai étudié le génie mécanique et industriel pendant mes études supérieures et post universitaires, et j’ai travaillé dans le domaine des logiciels. Ma formation et mon expertise ne se trouvent pas dans ce domaine [de la théorie de l’évolution]. D’une manière ou d’une autre, je n’ai jamais étudié la biologie pendant mes études. Je ne connais pas les concepts d’évolution. Ce que j’ai lu et compris, c’est qu’il y a une évolution de la vie inférieure à la vie supérieure. Peut-être que Kashyapa avait consciemment causé l’évolution. De quel genre d’épouses il s’agit, je ne puis pas le dire. Ces épouses ne sont pas que des épouses au sens ordinaire du terme. Kashyapa n’est pas un être humain ordinaire : il a des pouvoirs hors du commun. Peut-être est-il un scientifique évolutionnaire qui expérimente avec l’ADN. C’est pourquoi il s’appelle Prajapati. Il a des pouvoirs, c’est ce que je pourrais dire à cet égard. Il y a du vrai dans ce que les scientifiques découvrent. Ce n’est pas mon domaine, je ne puis donc pas en dire davantage.

Cette évolution peut se produire, je n’ai aucun problème avec cela. Ce que je n’accepte pas dans la théorie de l’évolution, c’est que la vie aurait commencé d’elle-même et que tout se serait passé d’une manière particulière et qu’aucun être humain ne puisse y intervenir pour produire autre chose.

Scientifique : Une partie de la preuve en biologie évolutive est que les êtres humains n’étaient pas présents sur la terre. Il n’y avait que des bactéries pendant les deux premiers milliards d’années.

Babaji : C’est possible. Cela ne me pose pas de problème. Lorsque Brahma avait créé Manu et lui avait demandé d’aller sur terre, Manu avait dit : « Où vais-je aller ? La terre est sous l’eau ». Brahma avait médité et Varaha Deva était apparu pour élever la terre de l’eau. Certes, c’est une histoire. Ces histoires ne peuvent être prises au pied de la lettre. Peut-être qu’il y avait juste de l’eau partout sur terre ou peut-être qu’il n’y avait pas de terre pour commencer. Varaha ou un sanglier aime creuser la terre avec son museau. Peut-être a-t-il manifesté la terre à partir de l’odeur du tanmatra qui vient du tattva de l’eau. C’est le principe de la philosophie Sankhya. La science dit aussi la même chose : il y avait de l’eau partout. Dans le Sankhya également, il y avait d’abord des gaz, puis de l’eau, puis de la terre. La science dit aussi la même chose : il y avait de l’eau partout. La science sera d’accord avec cela. Ainsi, ces histoires (du Bhagavata) contiennent des faits scientifiques et historiques. Ils ne peuvent pas être pris au pied de la lettre. Je dis qu’il y a toujours une certaine intervention d’une personnalité supérieure, ce que la science n’accepte pas. Le Sankhya du Bhagavata parle d’évolution à partir de la prakriti mais avec l’implication du Purusha.

Scientifique : Les yugas et les cycles du yuga remontent à des milliards d’années. On dit que les humains sont présents dans ces cycles. Je suppose que nous ne savons pas ce que tout cela signifie.

Babaji : Non, nous ne savons pas. Mais nous savons que les choses changent. Ils ont trouvé des fossiles d’éléphants au pôle Nord. Alors, comment est-ce arrivé ? La terre n’était qu’une et les continents se sont séparés. L’histoire du déluge est présente dans toutes les religions. De nombreux changements intenses se sont produits dans l’atmosphère sur une période de temps : que cela se soit produit sur des milliards d’années ou que les cycles de yuga correspondent réellement à des milliards d’années tels que définis dans les Puranas, tout cela est difficile à prouver. Beaucoup de choses se perdent au fil du temps. Mais les choses fonctionnent par cycles. Nous voyons cela dans notre expérience : jours et nuits, saisons, etc. Il doit y avoir des cycles à un niveau supérieur, des cycles plus importants. Les délais peuvent être difficiles à calculer. Le principe du temps entier est probablement différent de ce que nous connaissons actuellement. Je ne vois aucun problème qu’au début il n’y avait pas d’êtres humains et puis ils sont apparus plus tard. Kashyapa avait treize épouses, peut-être y avait-il treize niveaux d’évolution, puis sont venus les êtres humains. Mais la personne originale derrière cela est un être humain qui contrôle le processus.

Par voie de conséquence, je ne rejette absolument pas l’idée de l’évolution. Mais je n’accepte pas le fait qu’il n’y a personne derrière tout cela. Pour moi, il y a toujours une personnalité qui y est impliquée. Je ne pense pas que cet univers évolue au hasard. Il y a quelqu’un derrière. C’est ma compréhension, mais il ne m’est pas possible de prouver dans un langage scientifique qu’il y a un Dieu ou des devas qui travaillent derrière cela.

Vous pouvez donner votre avis d’expert à ce sujet. J’aimerais bien l’entendre.

Scientifique : Je suis heureux que vous ne rejetiez pas les preuves.

Babaji : Vous ne pouvez pas les rejeter. Bien sûr, il peut y avoir une mauvaise interprétation des preuves. Cela est tout à fait possible. Mais les preuves sont les preuves. Pensez également à ceci : vous trouvez des preuves selon votre propre croyance. C’est ainsi que fonctionne notre esprit. Nous voyons la vérité de manière sélective. Ainsi, outre le fait qu’un scientifique interpréterait les preuves différemment d’un théiste, il découvrirait également les preuves différemment. En fin de compte, rien n’est objectif même si nous avons tendance à croire que la science est purement objective. L’objectivité pure est un mythe.

Scientifique : Certaines personnes religieuses voient l’évolution comme une conspiration. D’autres disent que les scientifiques ne savaient pas comment chercher des preuves en faveur de la version du Bhagavata.

Babaji : Non, je ne crois pas tout ça. Il y a tellement de théories du complot.

Scientifique : Une fois que nous nous serons mis d’accord sur le fait qu’il y a des preuves et que les preuves sont là pour être examinées, je ne me sentirai plus vraiment concerné. Je pense que votre position est raisonnable et je ne vois pas vraiment ce que l’on pourrait faire d’autre ici.

Babaji : Les scientifiques ont exclu Dieu du paysage, naturellement ils interpréteront les preuves selon leur hypothèse d’après laquelle il n’y aurait pas de personnalité impliquée dans le processus de l’évolution. En tant que théiste, je prendrai la même évidence et je l’interpréterai différemment, bien que ce ne soit pas mon domaine. Il est possible que la même preuve puisse être vue de deux manières différentes, et qu’une manière soit plus inclusive que l’autre.

Scientifique : J’ai un problème philosophique avec ça. Prouver l’existence de Krishna ou de tout type de pouvoir à partir de preuves scientifiques n’est pas possible. Personne n’a vu les devatas comme Varuna, Surya, et al.

Babaji : Non, ça ne m’intéresse pas. Je dis que si je dois interpréter les preuves disponibles comme un théiste, alors je les interpréterai différemment d’une interprétation faite par un scientifique. Ce n’est pas que je doive prouver que Krishna est impliqué, ce n’est pas ce que je dis. Je dis qu’il y a un facteur personnel impliqué ; l’évolution n’est pas seulement un phénomène impersonnel se produisant automatiquement.

Scientifique : On ne peut pas trouver Dieu dans les preuves. C’est impossible.

Babaji : Que cela ne puisse pas être fait a déjà été dit dans le Vedanta-sutra. C’est un exercice futile. Quoi que vous essayiez de faire, il y aura toujours un contre-argument. En réalité, c’est exactement ce que le Nyaya essaie de faire. Le Nyaya donne huit preuves de l’existence de Dieu. Mais pourquoi le Vedanta n’y prête-t-il pas attention ? Le Vedanta n’y prête pas d’attention car ces arguments peuvent tous être réfutés. Bien que connaître ces arguments soit un bon exercice et qu’ils soient bons pour un débutant, ils ne sont pas concluants. On pourrait parler aux gens et les convaincre puisque tout le monde ne peut pas monter à ce niveau d’argumentation. Ces arguments ont donc une certaine valeur. Mais finalement, Dieu ne peut pas être prouvé par la simple logique. Les shastras sont les seul pramana et nous devons comprendre qu’ils ne sont pas que des mots : c’est en réalité l’expérience de quelqu’un. C’est aussi la perception sensorielle. En fin de compte, le pramana n’est que perception. Mais c’est une perception d’une autre nature et cela demande beaucoup d’efforts pour venir et vivre ce type d’expérience. Cela est expliqué par Shri Jiva Gosvami dans son Sarva-samvadini dont vous avez parlé plus tôt.

Ainsi, le but des shastras est en vérité de nous inciter à les étudier avec foi, à les suivre, puis à réaliser exactement ce qui y est écrit. C’est pourquoi le Bhagavata dit : « kasmai yena vibhasito ‘yam atulo jnana-pradipah pura » – « Cette connaissance a été donnée à Brahma, puis Brahma en a parlé à Narada ». Ainsi, lorsque Brahma parle, il ne parle pas seulement de ces shastras, mais il parle également de ce qu’il a réalisé et intériorisé. Il en a une expérience directe. Puis il parle. C’est toute l’idée de la parampara. La parampara ne transmet pas seulement la parole, mais surtout l’expérience. Ainsi, les shastras sont finalement le pratyaksha pramana. Pour un débutant, c’est shabda pramana. Mais pour un être parfait, c’est une question de perception. Pourtant, il n’est pas possible de le prouver à un non-croyant car ils sont fondés sur une expérience subjective. Ce n’est pas une connaissance objective comme les sciences.

Scientifique : Ainsi, la version du Bhagavata n’aura aucun sens pour un scientifique qui n’a aucune expérience.

Babaji : Oui, ça n’aura pas de sens et je ne vais pas perdre mon temps avec lui. Laissez-le faire ce qu’il veut faire. Il n’est pas prêt pour cela. Il n’est pas nécessaire de discuter avec un tel scientifique. Il n’est pas non plus nécessaire de l’appeler un vaurien ou un démon. Son objectif et mon objectif sont différents. Il étudie la nature pour la contrôler et l’exploiter pour son plaisir (bien sûr, tous les scientifiques ne fonctionnent pas de cette manière). Je l’étudie pour l’adorer et l’utiliser au service de Krishna. Nos objectifs sont différents et nos approches sont différentes, elles aussi. Ainsi, nos théories sont différentes, bien qu’il puisse y avoir des points communs puisque nous étudions la même réalité.

Invité : Ne pouvons-nous pas prouver des théories scientifiques à partir des informations du Bhagavata ?

Babaji : Ce n’est pas possible. Ce sont deux domaines distincts. 

Invité : Mais le Bhagavata ne nous donne-t-il pas le nombre d’espèces sur terre, l’âge de la vie humaine, etc. ?

Babaji : Le Bhagavata contient de telles informations, mais comment savons-nous qu’elles sont vraies ? Ce ne sont que des chiffres. Comment les prouver ou les réfuter ? Nous n’avons aucun moyen de le faire. Nous n’avons pas de laboratoires scientifiques et nous n’avons pas fait de recherche sur les fossiles. Prouver ne signifie pas simplement lire des shastras. Mais nous devons accepter que le Bhagavata donne un grand chiffre pour l’âge du monde. Aucune autre religion ne dit cela et même la science ne le pensait pas au début non plus. Il faut reconnaître un certain mérite aux shastras pour ces données. Que les avions et les voyages interplanétaires existassent à cette époque ou non, au moins dans les shastras ces choses étaient envisagées bien avant que la science ne les réalisât.

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